Le baroque, un art de reconquête spirituelle - France Catholique
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Le baroque, un art de reconquête spirituelle

C’est de la prodigieuse réforme de l’Église accomplie par le concile de Trente que naît l’art baroque, à la fin du XVIe siècle. En pleine Réforme protestante iconoclaste, l’art devient un instrument essentiel du renouveau de la foi en Europe.
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© FERRAS /- CC BY-SA 2.5

Pour mettre en œuvre l’immense renouveau spirituel, virilement engagé par les Pères conciliaires, l’Église eut le génie de mettre à contribution les artistes. Face à une Réforme protestante qui interdit et détruit les images, le concile de Trente – convoqué par le pape Paul III en 1545 et qui durera jusqu’en 1563 – en réaffirme au contraire la nécessité : l’art devra servir le projet spirituel en train de se déployer.

Ce projet engage une refonte de l’institution ecclésiale et de la doctrine, dans le but de lui rendre sa pureté et de lutter contre la vague de l’hérésie protestante qui déferle alors sur l’Europe. Le concile vient rejoindre les aspirations du peuple, meurtri de voir niés les dogmes fondateurs de sa foi. Il apporte une vitalité nouvelle à l’Église, faisant du XVIe le siècle d’un fantastique réveil spirituel de l’Occident qui touchera toutes les strates de l’Église, des plus hauts prélats, aux prêtres, en passant par les monastères et jusqu’aux humbles fidèles. « Le concile de Trente est un retour aux fondamentaux : on ne change rien… mais on change tout ! », dit l’historien de l’art Mathieu Lours. Réaffirmation des dogmes et de la doctrine, résumée dans le célèbre Catéchisme du concile de Trente, rappel du célibat ecclésiastique, meilleure formation des prêtres, sédentarité des évêques… « De ce creuset sortira un nouveau type de prêtre, un peuple chrétien mieux instruit, une religion qui associe la luxuriance de l’art baroque à la rigueur des grands mystiques », affirme l’historien Marc Venard (encyclopédie 2000 ans de christianisme, Hachette, 1985).

Un travail colossal

À Église renouvelée, art rénové. à l’opposé de la Réforme, l’Église choisit d’exalter le culte des images, indique Émile Mâle, une référence en matière d’histoire de l’art. Elle fait de l’art son auxiliaire pour propager cette foi rajeunie et « défendre ce que le protestantisme attaquait : la Vierge, les saints, la papauté, les images, les sacrements, les œuvres, les prières pour les morts ». Il devient « l’interprète de la doctrine », exprimant « le christianisme tout entier ».

Pour accomplir ce travail colossal, l’Église comprend qu’elle a « besoin d’un art revenu à ses fondements antiques : “enseigner, plaire, émouvoir”, selon la trilogie de Cicéron. Il doit désormais lutter contre le “mal croire” et mettre l’imagination au service de ce que l’on conçoit comme la vérité », résume Mathieu Lours.

Ainsi, en 1563, dans sa 25e et dernière session, le concile de Trente précise que l’art doit édifier la foi, enseigner le sacré par l’émotion, avec des œuvres directement intelligibles, par opposition au maniérisme – l’art de la fin de la Renaissance – jugé trop complexe. L’art humaniste de la Renaissance n’est cependant pas totalement rejeté. Tout en continuant à inspirer les artistes, il devient plus « religieux et populaire », selon l’historien Jean Puyo. Il faut rejoindre tous les fidèles afin de les former. « La Contre-Réforme, pour répondre à l’individualisme protestant, est allée aux masses », écrira l’historien Alphonse Dupront. L’art ne doit plus divertir mais édifier les croyants : « Un art concentré, où rien ne vient détourner l’attention du chrétien méditant sur les mystères du Salut. Tout ce qui ne sert pas à cette fin doit en être banni, car c’est la grandeur de l’Évangile qui mérite de nous émouvoir, non la beauté de la nature », note Émile Mâle.

« La société des Cieux »

Autrement dit, pour Alphonse Dupront, l’art tridentin a pour objectif « de faire descendre le Ciel sur la terre » et « d’ouvrir pour les hommes de la terre la société souveraine des Cieux ». Dans ce but, il proscrit les images de nudité – les nus de Michel Ange, dans la chapelle Sixtine seront voilés –, le pittoresque ou les paysages, considérés comme inutiles.

À cet art nouveau, les Pères conciliaires n’imposent cependant pas de forme stylistique précise. « Deux évêques vont mettre en œuvre les nouvelles normes, dans des textes à caractère pastoral : ils seront les deux grands chefs d’orchestre du baroque, organisant le basculement du goût, pour accomplir les principes théologiques et pastoraux du concile », explique Mathieu Lours.

Le premier est saint Charles Borromée, archevêque de Milan, qui édicte les règles de l’architecture religieuse. Tandis que son ami le cardinal Gabriele Paleotti, archevêque de Bologne, publie un Traité des saintes images, qui devient la référence des peintres à la fin du XVIe siècle.

Le « cahier des charges », bien que précis, laisse une grande liberté aux artistes. Ceux-ci travaillent sur commande, souvent guidés par des théologiens, « dans un esprit de dialogue avec leurs commanditaires. Ce n’est pas du tout un fonctionnement totalitaire : il suffit pour cela de voir la variété des styles baroques, des formes les plus sobres aux plus somptueuses », constate Mathieu Lours.

Face à l’iconoclasme protestant, l’art postconciliaire évoque l’incarnation de manière parfois exacerbée, d’où lui viendra cette appellation de « baroque » – de l’espagnol berrueco, et du portugais
, qui désignent une perle irrégulière.

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