Le monde des nouvelles scientifiques, commentaires et autres blogs s’est montré récemment très intéressé par une photo dévoilée par la NASA et le Laboratoire de propulsion à réaction (Jet Propulsion Laboratory, JPL), montrant la Terre vue par la sonde Cassini qui est actuellement en orbite autour de la planète gazeuse géante Saturne.
Au premier coup d’œil, l’image me frappe comme une scène du film 2001, l’odyssée de l’espace. Le géant gazeux luit au premier plan, éclairé par derrière par la lumière du soleil qu’il intercepte. En fait, arrêter la lumière du soleil est un élément essentiel de cette image. Supprimer l’éblouissement éclatant du soleil nous permet de voir dans le lointain un minuscule éclat, la planète Terre, à plus de mille quatre cent millions de kilomètres de là. Cette image, prise le 19 juillet, n’est en fait que la troisième photo jamais prise de la Terre depuis l’extérieur du système solaire.
Il n’est pas anormal que je me souvienne d’un film connu pour son art visuel saisissant (quoiqu’on puisse en penser par ailleurs). Dans leur description de l’image, l’équipe NASA/JPL souligne que l’image de la Terre n’est qu’une toute petite partie d’une plus vaste mosaïque d’images qui, une fois assemblées, montreront la totalité des anneaux de Saturne. A propos des images, les commentaires de JPL signalent que « certaines [furent] prises pour les besoins scientifiques et d’autres pour fabriquer une mosaïque colorée naturelle ».
Autrement dit, certaines images ne sont pas pour la science mais pour le spectacle, pour l’art. Dans un sens, la science s’apparente à l’art dans ce qu’elle a de meilleur et qui est la recherche de la beauté, souvent sous sa forme intellectuelle mais également de façon visuelle, ainsi qu’on le voit dans cette nouvelle image venant de Cassini. La recherche de la vérité et de la beauté est une de ces choses distrayantes qui est bonne pour elle-même.
Dans les années quatre-vingt-dix, la sonde Voyager 1 avait pris la première image de la Terre vue de l’espace, à une distance de près de six milliards de kilomètres, ce qui reste encore le record de distance pour une photo de la Terre.
Sur l’image, on voyait la Terre comme une petite tache bleue dans la vaste noirceur de l’espace. Cette image du « Point bleu clair » est devenue une sorte de sacramentel parmi les scientifiques sceptiques. Carl Sagan l’a immortalisé dans un livre éponyme en écrivant :
« Nos gesticulations, le sentiment imaginé de notre propre importance, l’illusion que nous avons d’une position privilégiée dans l’univers, sont contestés par ce point de lumière pâle. Notre planète est une poussière isolée dans la grande enveloppe de la noirceur cosmique. Dans notre obscurité – dans toute cette immensité – il n’y a aucun indice que de l’aide pourrait provenir d’ailleurs pour nous sauver de nous-mêmes. »