Perdu et retrouvé : « Le Martien » de Ridley Scott - France Catholique
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Perdu et retrouvé : « Le Martien » de Ridley Scott

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Chaque fois qu’Hollywood s’envole dans l’espace, il prend à bord des bagages terrestres. Comment pourrait-il en être autrement ? Le drame est toujours un drame humain, même quand les êtres impliqués ont, comme vous savez, des oreilles pointues, la peau verte et viennent de Mars. Ou si les humains vont là-bas.

Le nouveau film de Ridley Scott, « Le Martien » (« Seul sur Mars » en VF), ne parle pas de petits hommes verts (sauf si vous mettez dans cette catégorie les bureaucrates de la NASA qui semblent contracter le mal de mer à essayer de gérer cette crise d’homme perdu dans l’espace). En fait, avec tout son brio technique – ( tant en terme de prise de vues à proprement parler qu’en terme de représentation technologique) – le film est plus un Robinson Crusoë qu’un Buck Rogers. C’est l’histoire d’un homme séparé de la communauté humaine qui doit rapidement s’adapter à un environnement hostile.

Présumé mort par le reste de l’équipage de la mission Arès III après qu’une tempête de sable martienne l’ait emporté, le botaniste Mark Watney (Matt Damon) est abandonné quand ses coéquipiers lancent une évacuation d’urgence et repartent vers la Terre à bord du vaisseau-mère, l’Hermès.

Contrairement à Robinson Crusoë, Watney n’a pas souffert préalablement d’un naufrage, d’un rapt et d’autres aventures, mais exactement comme son homologue du 17e siècle, il se met à organiser sa survie avec les épaves des missions précédentes sur Mars. Le gros problème, c’est que la tempête qui l’a presque tué a détruit sa connexion avec la NASA. Il a des réserves pour environ un an, en se rationnant. Mais étant donné que la mission Arès IV n’est prévue que dans plusieurs années, son travail est entrepris avec l’absolue certitude qu’il mourra seul sur la Planète Rouge. (Plus tard, il décidera que tout est bien comme ça, puisqu’il va « mourir pour quelque chose de plus grand que [lui] », probablement le progrès scientifique.)

Sartre a malicieusement lancé que « l’enfer, c’est les autres », mais, en vérité, nous savons tous que l’enfer, ce n’est pas les autres gens : être tout à fait seul, c’est être sans espoir ; avoir l’humanité réduite à une unicité insuffisante. Et l’atmosphère du film émerge quand Watney résout la difficulté de rétablir le contact avec la Planète Bleue.

Comment peut-on faire face à un isolement et une anxiété accablants ? En conjuguant le travail et l’humour, mais, parce qu’il s’agit d’Hollywood, en excluant la prière.

Le film de Scott suit au plus près le roman d’Andy Weir. Je me suis déjà plaint de l’insistance d’Hollywood -pour paraphraser une répartie d’un autre film de Scott – à ce que dans l’espace personne ne puisse vous entendre prier. Monsieur Weir a exactement une seule référence religieuse dans son livre (jurons et plaisanteries mis à part), quand Watney prend une « croix en bois » qui a appartenu à un membre catholique de l’équipage (dans le film c’est un crucifix avec le corps du Christ), la brise pour en faire du petit bois et la brûle. Watney a cette boutade (le livre est en grande partie constitué par son journal sur Mars) : « j’imagine que s’il y a un Dieu, il ne m’en voudra pas, considérant la situation où je suis. »

L’attention que porte monsieur Weir aux détails scientifiques est remarquable, bien que parfois abrutissante. Son livre est de la science fiction « pure et dure ». Ridley Scott a toujours aimé montrer la technologie dans ses films de science-fiction (Alien, Blade Runner, Prometheus, et – aucun doute là-dessus – dans le nouveau volet d’Alien qui va sortir). Dans « Le Martien », c’est un grand plaisir de contempler le fait scientifique. Dans les moments paroxystiques du livre, l’éducation du lecteur en langage informatique est faite, tout comme dans le film. Les échanges hachés de l’équipage de sauvetage sont devenus parfaitement compréhensibles parce qu’ils font ce que font les Américains : ils s’adaptent au vol. A la lettre.

L’équipage de l’Hermès, informé de la survie de Watney, retourne (avec l’aide d’un vaisseau chinois de ravitaillement) pour le récupérer. Il y a du courage à entreprendre cette mission impossible, et également dans le déroulement du sauvetage, bien qu’à la fin l’entraînement, les connaissances, la détermination et la créativité de l’équipage soient d’un autre monde.

Le film de Scott est palpitant, mais également étonnamment beau. Les scènes martiennes ont été filmées dans la Vallée de la Lune (Wadi Rum) en Jordanie, dont le sable rouge ressemble à la surface martienne. Le sentiment d’y être est puissant. Quand Watney doit rejoindre le point de rendez-vous pour son sauvetage, il ressemble plus à Moïse dans le désert qu’à Crusoë sur une île déserte.

Matt Damon réalise une fabuleuse performance, et le reste de la distribution est superbe, surtout Jeff Daniels en chef de la NASA, Chiwetel Ejifor en porte-parole de la NASA pour la mission de secours, Benedict Wong en chef de l’équipe d’ingénieurs au Laboratoire de Jet Propulsion et Jessica Chastain en commandant de bord sur l’Hermès.

Bien évidemment, c’est lors de la tentative de sauvetage que l’on commence à se ronger les ongles. Cela rappelle la description que fait Quint dans « Les dents de la mer » des survivants à l’attaque du requin de l’USS Indianapolis, dont la peur et l’anxiété augmentent à mesure que les bateaux de sauvetage se dessinent à l’horizon. Watney est un bazar émotionnel, tout comme les gens de la NASA, car ils savent que le monde entier les regarde : à Times Square, Trafalgar Square, sur la place Tian Anmem – sur toutes les places du monde.

Nous avons connu de tels moments dans la vie réelle. Pensez à la catastrophe minière de 2010 à Copiapo, au Pérou : le monde a regardé et attendu pendant 69 jours, jusqu’à ce que les 33 mineurs soient secourus. (Maintenant dans un film de novembre, « les 33 », avec Antonio Banderas en vedette.)

Pourquoi nous sentons-nous concernés ? Weir, par le biais de Watney, émet la supposition que dans ce cas précis, c’est en partie parce que l’espace est un rêve pour nous, mortels attachés à la terre : « mais de vrai , ils s’en soucient parce que chaque humain a un instinct de base qui le pousse à l’entraide. Ça peut ne pas sembler ainsi parfois, mais c’est vrai. »

Seigneur, c’est tout ce qu’il y a là : un instinct ? Pourquoi la nature aurait-elle dû sélectionner la compassion ou l’empathie ? Mystère.

C’est Dieu, bien sûr, la véritable source de l’attention aux autres, de l’amour. Cet attachement à un homme perdu sur Mars ou à des hommes prisonniers d’une mine expriment l’amour, l’espoir et la foi. Ce sont des dons surnaturels, non une faculté issue de milliards de divisions cellulaires durant des millions d’années.

Ce n’est pas pour rien qu’au milieu d’une des crises majeures du film, un scientifique se tourne vers un autre pour lui demander s’il croit en Dieu. Et quand le désastre frappe, le premier crie « Jésus ! Et l’autre « Christ ! » Intuitivement, vers qui d’autre pourrait-on se tourner ?

« Seul sur Mars » est interdit aux moins de 13 ans. Le langage est cru, même si remarquablement édulcoré en comparaison avec le livre de Weir. Beaucoup de la musique (disco!) du film semble plagiée de « Gardiens de la galaxie » de l’an passé, incluant, mais oui, « I Will Survive » de Gloria Gaynor. « Amazing Grace » aurait mieux convenu.


Brad Minor est relecteur à The Catholic Thing, membre de l’institut Foi & Raison, et membre du conseil d’administration de l’Aide à l’Église en Détresse aux USA. Il est un ancien directeur littéraire de National Review.

Illustration : Perdu dans l’espace.

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/10/07/lost-and-found-ridley-scotts-the-martian/