Le mois de mai est vouée à la célébration de la Haute Dame que Dieu fit Reine des Anges et du Ciel après l’avoir voulu Mère de son Unique. Elle qui, pourtant, est ce qu’il y a de plus faible au monde, un être humain, une simple femme, promise en mariage à un artisan des plus vertueux, certes, des plus justes, mais non inclus parmi les Grands de son peuple, d’une aisance ajustée aux seuls besoins quotidiens. Une pauvreté de bon aloi. Nulle Puissance affichée, revendicable… Quant à Elle, le seul amour de tous jaillit de son cœur et monte vers son Dieu1, toujours premier servi en ses pensées. Qui aurait pu alors deviner qu’elle serait un jour l’Admirée du monde entier, dite Ève nouvelle, Arche de l’Alliance, Demeure de la Sagesse, Temple de l’Esprit-Saint, Cité de Dieu, Étoile du matin, Comblée de grâce, Tour d’Ivoire… aussi la Secourable priée par les troupes innombrables rassemblées par la Maladie, l’Épreuve, la Douleur, le Malheur et la Souffrance ?
Samedi dernier, le désir de parler d’elle fut tel une invitation : je lisais l’office du Cœur immaculé de Marie, qui répondait à celui de la veille consacré au Cœur sacré de Jésus : m’avaient fait une forte impression deux textes de saint Jean Eudes et je ne pouvais effacer de ma tête l’expression « ce qu’il y a de plus faible »… qui cependant ne s’y trouvait pas.
Alors aujourd’hui, je me remets à réfléchir, car il me semble percevoir quelque chose d’autre de complémentaire par rapport à ce que j’ai pu dire jusqu’ici. Ce quelque chose touche, d’une façon ou d’une autre, à l’eschatologie.
Ainsi, pour lutter contre les « Puissances du Mal », ignorées2 de nos intellos à la mode, de nos politiciens déconnectés du spirituel, enfoncés jusqu’au cou dans les dénégations et méandres obscurs des clubs, cercles, loges « orientalistes », les à-peu-près des libertaires et autres libres-penseurs qui me font toujours rire le dimanche matin quand il m’arrive de les écouter sur France Culture, à la vérité m’attristant bien davantage, pour lutter donc contre les mouvements et œuvres des amis de Lucifer/Satan 3 en train de parcourir par vagues successives les scènes de ce théâtre tragique ensemençant notre monde de ses excrétions et de ses poisons, c’est « ce qu’il y a de plus faible » que Dieu a choisi. Et d’abord cette Femme !
Toujours chez Lui la règle des « moyens pauvres »…
Quel paradoxe ! Le Prince des Ténèbres, cela se constate chaque jour, ne cesse de mener, avec des moyens colossaux, des armées innombrables (songe, lecteur, aux combats qui sévirent sur la planète entière, de 1939 à 1945 !), une guerre inlassable entreprise dès la Création initiale dans le visible et l’invisible, dans les souterrains et les caves de la Pensée, les temples du Pouvoir, les prisons de l’Argent aussi bien que dans les lieux en apparence les plus protégés, les âmes les plus pures, les esprits les plus conscients. La moindre faiblesse est immédiatement détectée, la fragilité la plus cachée est aussitôt exploitée en des tentations ouvertes sur les tableaux les plus fascinants, les plus séducteurs… Ainsi qu’une digue soit menacée de destruction à peine apparu un trou d’un seul misérable millimètre (cela s’est vu aux Pays-Bas), cette « piqûre d’épingle », dont nul ne douterait de son insignifiance, creuse pour la mer4 un chemin, une « porte » à travers les innombrables pierres qui défendent la demeure des hommes, ou, pour étendre la métaphore, les milliards de neurones afin que s’enfle peu à peu le trouble de l’imagination jusqu’au dévoilement, avec un réalisme déconcertant, de l’horrifique mâchoire d’un monstre assoiffé de sang, ou du ventre séducteur d’une prostituée de cauchemar, ou des cartes bancaires qu’offriraient des trafiquants de drogues, ou des réseaux occultes des politiques fomentant la chute des nations ou la destruction de l’Église du Christ, ou les menaces mortifères des maîtres chanteurs : en contrepartie le succès des modes obscènes, l’offre imméritée des places de prestige, des postes honorifiques, des fauteuils fauteurs de gloire, des amis d’un jour fomentant le triomphe de l’injustice …
… si toutefois l’humilité n’a pas veillé, si la prudence n’a pas sonné l’alarme, si la pudeur n’a pas fermé la porte, si la conscience n’a pas ouvert les yeux, si la foi n’a pas pris les armes de la prière, si l’amour n’a pas cherché le meilleur secours, barricadé le cœur en Celui du Tout Aimant …
Toujours sont empruntés les cheminements cachés, secrets, de ceux qui, depuis toujours et « de siècle en siècle », tentent de s’emparer du territoire des Hommes afin d’éliminer ceux qui portent haut l’Hostie très sainte de cet Amour sauveur, cet Amour qui fait passer le seuil de l’Éternité, royaume sans peur et sans reproche, royaume à jamais interdit à Satan et ses sbires.
« Ce qu’il y a de plus faible » fut ainsi désigné clairement : dès les commencements de l’Espace et du Temps, réceptacle de la Création accomplie en Éden mais objectivée 5 au moment où furent choisis à jamais le seul désir de soi, la seule préférence de soi, la concupiscence du Savoir géniteur du Pouvoir …
« La Femme écrasera ta tête de son talon ! » Phrase qui sculpte l’Histoire et engendre l’Espérance.
Qui donc est ainsi désignée ? Cette femme précisément célébrée par Jésus à Cana comme quand Il en fit notre Mère sur sa Croix de supplicié subissant l’abomination des abominations, la Crux sublimis transmuée par Lui en Signe de Salut, en Arbre de Vie et sur laquelle le Verbe incarné attendait que survint enfin l’heure de l’ineffable Parole : « Tout est accompli », mot de passe de son accueil de la mort libératrice, mot de passe de la libération de tout homme qui en reconnaît l’infini mystère. Car en cette si courte et bienheureuse phrase, « tout est accompli », le Sauveur ordonnait enfin à sa mort de lui ouvrir le Passage, que sa Résurrection allait transfigurer.
Depuis lors, la Femme ainsi exaltée et mise au service de tous les êtres humains, ses enfants en éternité, et au-dessus des Anges, elle resplendit auprès du Père, portée en son corps au sein même du Royaume de la joie, , de la paix, du bonheur éternel, celui même dont son Fils a été fait le Roi : la demeure à jamais de son Enfant bienaimé ; pourtant sans cesse à travailler, œuvrer en vue de notre délivrance, de notre apprentissage de l’amour, toujours à « combattre » au-dessus du fleuve de nos tentations et de nos chutes, assistant de sa compassion et de sa miséricorde comme de sa discrète sollicitude les pauvres frères humains de son Fils éternel afin qu’ils n’abdiquent jamais, quoiqu’il advienne, et qu’ils fassent résolument confiance en Celui qui les veut au sein de sa garde rapprochée d’amis et de témoins.
Cette Femme dont l’éloge le plus admirable, fut-il écrit par le collège des Archanges, ne ferait qu’effleurer le haut mystère de sa dignité : nous en sommes pourtant les fils indignes quoiqu’à jamais reconnus.
Pour aller plus loin :
- Une amie peintre, Jeannine Gilles-Murique, l’avait représentée en prière « avant la visite de l’Ange » : recueillie, humble, douce, réservée. Elle avait envoyé à Lourdes pour y être exposée la planche immense et horriblement pesante sur laquelle était peinte l’image. Elle m’avait donné ce tableau, que j’ai confié au recteur de la Cathédrale de Troyes. Hélas, je n’ai aucune nouvelle de ce qui a été fait de ce tableau. Il faut que je pense à écrire là-bas afin que l’on m’en informe.
- Un thème fort du film sur Hannah Arendt, et réflexions très d’actualité de l’œuvre de cette philosophe.
- Je justifie cette dénomination d’ami de Lucifer/Satan en citant le Christ : « Qui n’est pas contre nous est avec nous », ce qui peut également se dire ainsi : « Qui est contre nous n’est pas avec nous », en songeant que l’on peut faire parti des amis par défaut, sans se prononcer clairement à ce sujet, dans la mesure où par contre on rejette Dieu et son Envoyé, où on se dit membre de l’école de « la mort de Dieu »…
Le Christ ne se reconnaît en premier qu’un seul et véritable ennemi : le Prince des Ténèbres. Même ceux qui disent ne croire « ni à Dieu ni à diable » ou n’avoir « ni Dieu ni maître » sont recrutés : « nolens, volens » engagés dans les milices de ce Prince, qu’ils servent nécessairement à partir du moment où ils se déclarent détachés du servir de Dieu, où ils vont jusqu’à nier qu’Il soit, ce qui est le comble du service rendu à Satan, volontairement ou non. Alors, ils font ce qu’ils n’ont peut-être pas décidé, car nul ne peut vraiment rester sur le bord de la route à voir passer la course : chacun roule de lui-même, emporté, vers la verte et séduisante vallée à partir du moment où il s’est refusé à prendre le chemin du haut, difficile et caillasseux. Ainsi le dit saint Ignace de Loyola. En somme, si l’on n’a pas choisi librement, consciemment, volontairement le chemin de Dieu, si même l’on s’est refusé, sous prétexte que l’on n’a pas besoin de Lui, de réfléchir à ce choix, de comprendre le doute possible, de l’admettre, ou encore d’être soi-même enfermé dans ce doute parce qu’incapable de prononcer le oui de la foi (sans doute ou peut-être parce qu’elle n’est en rien désirée, si peu que ce soit), on ne peut alors que rouler sur la pente rapide qui descend vers la porte surmontée du panneau fatidique : « Pour qui entre ici nulle espérance ! », comme si justement l’écrit Dante Alighieri…
- La mer était dite, au temps de l’écriture du Premier Testament, le monde des démons…
- … ainsi que le développe l’étonnant ouvrage du père Frédéric Marlière La Trilogie de la Gratuité divine, chez les éditions A,,e Sigier/Desclée.