Pierre Chandelier. Les années noires. 1939-1945. Droit et Histoire. Ed. L’Esprit du Livre, 2009, 350 pages dont 25 d’annexes, 20 €.
Magistrat honoraire, mobilisé en 1939 puis réfugié dans la clandestinité, l’auteur propose une autre approche de la vérité historique, rigoureuse, s’appuyant sur les documents juridiques et sur l’avis des grands juristes, dans le respect du Droit. Voici quelques-unes de ses conclusions :
– les traités de 1921 et 1925 (Locarno) n’imposaient pas une intervention automatique en cas d’agression allemande contre la Pologne, la France n’était tenue qu’à un recours à la SDN, – le vote à main levée des crédits militaires le 2 septembre 1939 ne faisait pas référence à la déclaration de guerre, celle-ci était donc anticonstitutionnelle,
– l’armistice signé le 21 juin était préférable à la capitulation prônée par P.Reynaud, qui aurait signifié soumission totale de la France; Hitler a commis l’erreur de laisser la France en AFN,
– l’accord franco-anglais du 28 mars 1940, de ne pas négocier séparément, a été conclu par Reynaud sans consultation du Cabinet de guerre (Daladier hostile) ; le gouvernement n’était donc pas tenu de demander à être délié de son engagement,
– l’obligation de livrer à l’Allemagne ses ressortissants réfugiés en France n’a été appliqué que pour quelques personnalités ; les légionnaires et déserteurs ont été dissimulés ; 75.000 juifs cependant ont été déportés, 28% étant Français ; selon Paxton, le gouvernement n’avait pas prévu l’horreur des camps,
– la loi du 10 juillet 1940 instituant l’Etat français a été votée par le quorum de 569 députés contre 80, elle était donc légale, la République n’était pas abrogée ; la légitimité de Vichy n’est mise en cause qu’après le retour de Laval (17 avril 1942) et l’invasion de la zone libre, mais Roosevelt la reconnaît encore en mars 1944, et l’adhésion populaire la confirmait en avril à Paris, Nancy et Rouen,
– lors du procès du maréchal Pétain, l’instruction a été bâclée ; avant d’avoir comparu, il était condamné par des jurés partisans, on a fait le silence sur les accords franco-anglais de décembre 1940, oubliés par Churchill mais confirmés plus tard par le département d’Etat.
D’autres chapitres évoquent le procès de Riom, le non-lieu de Weygand, la drôle de guerre, les partisans des chars, le réduit breton et le repli en AFN, l’appel du 18 juin, les affaires de Mers-el-Kébir, Dakar et de Syrie, l’épuration, le plan Manstein, le Journal de Ciano, les déclarations de Béria sur les projets d’invasion de Staline, la résistance de Malraux, Sartre, Saint-Exupéry et Mauriac. Cette analyse dépassionnée des textes et des événements apporte certaines remises en cause de la vérité historique officielle, elle mérite la lecture.
Maurice Faivre