Un plan d'une beauté incomparable - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Un plan d’une beauté incomparable

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Saint Cyrille commente l’Evangile de Saint Jean en ces mots mémorables: « Dans un plan d’une beauté incomparable le Créateur de l’univers a décrété le renouveau de toutes choses dans le Christ. » (Bréviaire, jeudi après l’Epiphanie). Cyrille ne dit pas que l’univers lui même est « beau », mais que le « plan » du Créateur pour la création est « beau ». Le Pape François semble appeler la plus part des choses « belles ». Mais nous sommes peu habitués à entendre que des « idées » ou des « plans » sont « beaux ». Nous sommes habitués à les appeler « réalistes » ou « cohérents ». Et plus loin, Cyril ne parle pas de la Création elle-même, mais de son « renouvellement » dans le Christ.

Si nous plaçons l’ordre dans l’esprit de Dieu lui-même, ce que nous faisons, nous devons relier un univers que Dieu a créé à un univers qu’Il a renouvelé dans le Christ. Clairement, nous n’avons pas besoin de « renouveler » quelque chose qui ne demande pas de restauration. En outre, comment est-ce possible que quelque chose ait mal tourné dans le « plan originel « ? Ou pouvons nous dire que, dès le commencement, il n’y avait qu’un seul « plan » qui incluait, pour des raisons que nous devons examiner, la possibilité qu’il soit nécessaire de le « renouveler » ? En outre, les choses ne pouvaient pas être renouvelées par n’importe qui, mais seulement par le Christ. Cette possibilité semble être enracinée dans la relation personnelle du Christ au « commencement « . Nous lisons dans l’Evangile de Saint Jean :  « au commencement était le Verbe ».

Dans les années 1970, une chanson à la mode, qui devint une sorte de cantique, de Ray Stevens était intitulée « Chaque chose est belle, à sa façon « . Cette chanson est rappelée dans les discussions sur les transcendentaux – ens, res, unum, verum, bonum – relatifs à la question de savoir si on peut aussi dire que « omne ens est pulchrum ? » – tout est beau ? Il est intéressant de noter que la chanson ajoute :  » chaque chose est belle à sa façon.  »

De façon évidente, certaines choses ne sont pas belles. La laideur n’est pas uniquement une illusion. Mais il semble que quelque chose de beau, d’agréable, de plaisant, de charmant peut être trouvée dans chaque chose existante, si on la voit, si on la cherche. Cette « vision » ne démentirait pas la réalité de la difformité, physique ou spirituelle.

Nous vivons dans des jours de carnage et de désordre. Une des définitions de la beauté est son rapport avec les formes, et les choses… Comment pouvons-nous parler d’un plan divin surpassant la beauté matérielle ?

Récemment, j’ai vu une mention de la fameuse trêve de Noël durant la 1ère guerre mondiale, quand des Allemands et des soldats alliés, dont la plupart étaient chrétiens, se sont accueillis les uns les autres. On peut alors supposer que deux soldats se sont tirés l’un sur l’autre le jour suivant et que les deux sont montés au ciel et sont restés amis pour l’éternité. Peu de personnes désirent commenter cette scène qui est tout à fait concevable, dans une conception de la rédemption universelle quoi qu’on ait pu faire. Dans ce cas, le « plan » divin serait construit de sorte que chacun gagne le salut éternel, sans problème et sans la nécessité d’avoir un cœur bon.

Mais, naturellement, il y a un problème. c’est le problème de la limite du pardon en regard de la justice. Platon s’est penché sur le problème. Un des moyens par lequel le Christ renouvelle toutes choses est d’avoir introduit dans le monde les notions de repentance et de pardon, incluant le pardon divin. L’avantage de cette compréhension est que il ne faut pas réduire le mal de nos actions concrètes à rien. Elles restent ce qu’elles sont, mauvaises. Mais si leur état n’est pas définitif, à moins que nous le fassions ainsi. Nous faisons cela en choisissant de méconnaître le désordre de nos actes délibérés.

Dans son « Scholasticism and Politics » 1 Maritain statuait que nous devons vouloir achever ce qui est dans l’ordre de notre propre nature. Cet achèvement est essentiel pour la beauté incomparable du plan divin. Dans le « Silmarillion » de Tolkien, le Dieu tisse sans cesse des thèmes discordants dans une harmonie. une partie de ce tissage incorporait la participation gratuite d’êtres limités à cette harmonie. Jean Paul II, dans ses commentaires sur la Divine Miséricorde, dit que Dieu pardonnerait tout ce qui pourrait être pardonné. Est ce que cela inclus tout? Tout sauf ce qui ne peut être pardonné. Qu’est ce qui ne peut être pardonné? C’est ce qui n’est pas avoué.

Mais pourquoi ne pas dire de la part de Dieu, « pardonne et oublie « . Ceci est ce que Dieu dit. Ce que même Dieu ne peut pas faire, c’est faire qu’une créature libre ne soit pas libre. Tout ce qu’Il peut faire c’est transformer les conséquences des péchés non avoués en des occasions pour le bien d’autrui. Ceci arrive tout le temps. Nous n’y prêtons simplement pas beaucoup d’attention.

Nous appelons ce plan, un plan de « beauté incomparable  » car tout être en son sein atteint son objectif, incluant ces créatures libres qui sont jugées selon leurs pensées et leurs actions. Les actions suivent les pensées. Et les pensées sont relatives à « la connaissance de nous-mêmes ». Nous devons « accomplir » l’ordre de notre nature volontairement. Ce qui demeure lorsque nous rejetons l’ordre est  » notre volonté « . C’est pourquoi même l’enfer tombe dans le plan de « beauté incomparable « . Dieu nous permet d’être ce que nous voulons être.


Source :A Plan of Surpassing Beauty

Illustration : Le « Jugement Dernier » de Hans Memling (c. 1467) Musée national, Gdańsk, Pologne.


À propos de James V. Schalke, S.J.

James V.Schall,s.j., qui travailla comme professeur à l’université de Georgetown pendant 35ans, est un des plus prolifiques écrivains catholiques d’Amérique. Ses plus récents livres sont : The Mind That Is Catholic, the Modern Age, Political Philosophy and Revelation : A Catholic Reading, and Reasonable Pleasure.

  1. Note de Yves Floucat : Il s’agit d’un recueil de textes publiés sous ce titre en octobre 1940 et qui sont traduits par Mortimer Adler, New York : The MacMillan Company ; et Londres : Geoffrey Bles. Ces textes ont été repris par Maritain à d’autres œuvres de lui (dont ils constituent des chapitres parfois abrégés) et donnés, sous forme de neuf conférences, aux États-Unis pendant l’automne 1938. Il existe un original français de l’avant-propos daté de janvier 1939 (on le trouve dans les Oeuvres complètes, T. VII, pp. 1265-1267.

    L’ouvrage-recueil Scholasticism and politics n’a jamais été publié comme tel en France et en français.