Que constatons-nous ? - France Catholique
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Que constatons-nous ?

Traduit par Vincent de L.

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A l’heure actuelle, les catholiques sont confrontés à des cardinaux et des évêques qui favorisent ouvertement la Sainte Communion pour les divorcés remariés, un processus synodal qui évite de répéter la révélation du Seigneur selon laquelle le remariage est un adultère, et à une série continue de remarques provocatrices du pape concernant la sexualité et la vie conjugale. Tout cela malgré la croyance cohérente et la pratique de l’Église, qui furent proclamées avec éloquence durant le XXe siècle en réfutation systématique de positions qui sont actuellement préconisées ou tolérées.

Quelque chose ne va pas du tout. L’Évangile ne peut changer et personne ne peut dire de façon crédible qu’il s’agit d’un « développement » organique de la foi catholique. Comparez seulement les résultats des synodes de 1980 et de 2015 sur la famille, ou l’approche des jugements moraux de Veritatis Splendor avec le chapitre 8 d’Amoris Laetitia. Quoi qu’il se passe, il ne s’agit pas d’un processus organique.

De nombreux commentateurs catholiques ont entrepris de corriger des ambiguïtés et erreurs récentes, pour réaffirmer l’Évangile et pour examiner de possibles causes et solutions à la controverse. Comme ces analyses sont vitales, je voudrais poser une question « phénoménologique » : que constatons-nous ?

Il m’apparaît que nous sommes confrontés à une adaptation d’une notion sécularisée de la vie humaine qui risque – spécialement en altérant le témoignage catholique sur le mariage – de compromettre notre conception de l’union entre le Christ et l’Église. Elle nie en effet la suffisance de la grâce transformante du Christ d’une manière similaire aux tentatives d’adapter la loi de Moïse dans l’Église primitive. St Pierre lui-même s’était impliqué dans cette démarche par son comportement ambigu à Antioche (Gal 2, 11-14).

Cela signifie que ces adaptations, qu’elles soient défendues pour des raisons doctrinales, comme le firent ce que l’on appelle les « Judaïsants » (les premiers chrétiens qui voulaient que leurs coreligionnaires suivissent la loi de Moïse, ndt), ou tolérées pour d’autres raisons, comme le fit St Pierre, elles doivent être rejetées afin d’assurer l’intégrité de la vie chrétienne en union avec le Christ.

Jésus aime l’Église comme son épouse, Il se donne pour elle et à elle afin que, purifiée du péché et emplie du Saint Esprit, elle puisse demeurer en Lui et Lui en elle. Il savait que cette union, concernant le corps et l’âme, était le modèle sur lequel l’espèce humaine avait été créée en tant que deux sexes unis par le mariage (Mc10, 6-9 et Eph 5, 29-32). Ceci amène Jésus à déclarer le mariage indissoluble, et adultérin le remariage après divorce.

Bien que Sa révélation fût conforme avec la juste raison et avec la nature humaine, les Gentils, et les Juifs tout autant, souffraient de « dureté de cœur » qui obscurcissait ces vérités. Même les disciples trouvaient que cet enseignement était une « parole difficile », parce qu’ils n’avaient pas encore reçu le Saint Esprit qui leur donnerait un cœur nouveau capable d’adopter Jésus et d’accueillir Ses « paroles de vie éternelle » (Jn 6, 66-68).

L’union avec le Christ rend possible ce qui est impossible autrement, c’est-à-dire que nous aimions comme Jésus aime. Cette union est la source de la logique et de la pédagogie de l’Évangile par lequel Jésus déclare hardiment le besoin de se détourner du péché, de prendre sa croix et de donner sa vie. C’est ainsi que Sa dénomination de l’erreur et du péché devient un acte de miséricorde : en jugeant nos actes, Il nous assure de Sa présence qui nous accorde le pardon et l’amour dont nous avons besoin pour demeurer éternellement avec Lui. C’est la raison pour laquelle Il n’hésite pas à parler à la Samaritaine des croyances religieuses et de la vie morale désordonnées, à faire face aux Pharisiens, ou à appeler le remariage « adultère ». Sa Vérité nous rend libres d’aimer fidèlement.

Quelques-uns des premiers chrétiens affirmaient que pour partager la vie de Dieu, la circoncision et d’autres aspects de la loi de Moïse étaient requis. Pierre et les Apôtres ont rejeté cette position à Jérusalem, en insistant sur le fait que les chrétiens, qu’ils soient d’anciens Juifs ou d’anciens païens, sont libérés de leur vie antérieure et qu’ils ne reçoivent une nouvelle vie que par Jésus. Par la suite, à Antioche, St Pierre a cherché à éviter de contrarier les chrétiens qui ont embrassé la Loi, en cessant ses interactions sociales avec ceux qui ne l’observent pas. Quelle que fût sa motivation, St Paul l’a réprimandé pour cette conduite qui pouvait induire en erreur les chrétiens en les portant à croire que la Loi était le chemin de la liberté et de l’amour.

Depuis le milieu des années 1900, divers théologiens moralistes ont suggéré que l’Évangile offre une moralité « idéale » qui doit être adaptée aux « réalités » de la vie contemporaine. Ces théologiens, comme les disciples avant la Pentecôte, considèrent que l’Évangile est un fardeau impossible à porter. Certains d’entre eux sont favorables à la permission du remariage après un « chemin de pénitence » destiné à s’adapter aux limitations humaines. Cette approche bouleverse non seulement le mariage, mais la vie chrétienne tout entière car elle signifie que notre union avec Jésus n’est de fait pas suffisante pour nous libérer de notre « dureté de cœur », pour aimer comme Il aime. Par conséquent, l’Église a insisté sur le fait que l’Évangile est réaliste et peut être vécue sans ces adaptations.

Au sein de la controverse, le pape François, comme St Pierre à Antioche, a été sensible, à ceux qui sont éloignés de l’Église par le rejet de leurs arrangements erronés. Mais, contrairement à Pierre à Jérusalem, il n’a pas d’abord affirmé explicitement le mandat de l’Évangile et la validité des pratiques existantes de l’Église. Cette différence garantit que ses déclarations parfois provocatrices seront cause de plus de confusion que la conduite de St Pierre.

Par conséquent, malgré les éléments positifs d’Amoris Laetitia, beaucoup ont été scandalisés par son incapacité à citer la déclaration de Jésus selon laquelle le remariage est adultère, et par la discussion sur la moralité de son chapitre 8. Les récentes remarques du pape comme quoi il ne faudrait pas demander aux couples en cohabitation « pourquoi ne nous mariez-vous pas ? » et que leur « fidélité » peut accorder la grâce, ont causé une vaste perplexité. Bien que le pape croie clairement que son approche imite convenablement la pédagogie de Jésus et ne comporte pas de risque de scandale, il y a maintenant suffisamment de preuves que beaucoup sont profondément inquiets et que de faux pasteurs affirmant son agrément en trompent d’autres.
Le scandale d’Antioche fut résolu lorsque le clair enseignement a été couplé au refus de tolérer des compromis ambigus. Ceci ne fut réalisé que par la volonté de St Paul de se confronter à St Pierre, et par la volonté de St Pierre d’accepter la correction fraternelle. St Pierre et St Paul, priez pour nous.

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Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/06/23/what-are-we-seeing/

Tableau : La repentance de St Pierre par José de Ribera, v. 1650 [L’Ermitage, Saint Pétersbourg, Russie]


L’abbé Timothy V. Vaverek, docteur en théologie dogmatique avec une orientation particulière sur l’œcuménisme, nouveau contributeur à The Catholic Thing, est actuellement curé de paroisses à Gatesville et Hamilton.