Our boby / A corps ouvert - France Catholique

Our boby / A corps ouvert

Our boby / A corps ouvert

Après Lyon et Marseille, c’est à Paris que se déroule, jusqu’à l’été, une exposition controversée présentant de véritables cadavres humains.
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Récusée par le Musée de l’homme et la Cité des sciences et désavouée par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), l’exposition Our boby / A corps ouvert occupe un espace privé près de la place de la Madeleine, avant d’intégrer fin mai l’Espace floral de Paris. Son initiateur, Pascal Bernardin, producteur de concerts rock, ne se cache pas d’en faire une affaire commerciale, et le scandale qu’il pro­voque est sa publicité gratuite.
Une surenchère de justification est toutefois tentée par le site Internet de l’exposition. Sur la vidéo de présentation, dont le générique éveille la fascination morbide, le professeur Olivier Gagey, chirurgien orthopédique des Hôpitaux de Paris, explique tout de go que l’exposition peut « changer [le] regard sur le corps humain » des visiteurs s’ils « savent entrer dans la contemplation de ce qui leur est montré » ; puis un visiteur justifie son intérêt par une récente opération du genou. Sur les pages du site, on appelle à la rescousse l’Égypte ancienne et ses momies puis les « écorchés » d’un vieux musée français, sans préciser que les temps ont changé et que le respect des corps humains a peut-être crû avec la civilisation. Oserait-on encore exhiber dans nos foires des personnes qui ont un handicap spectaculaire ?

Les promoteurs de l’exposition fournissent au voyeurisme ses alibis : « Our body / A corps ouvert est une exposition fascinante, à la fois artistique et éducative, qui présente de véritables corps et organes humains. Destinée à tous, cette exposition (…) [permet] de voir ce qu’en principe seuls les médecins et les anatomistes sont capables d’étudier. [Son] but (…) est que les visiteurs partent avec une meilleure connaissance de l’anatomie, des fonctions du corps, et une meilleure appréciation de leur santé. » Le site Internet de l’exposition va jusqu’à l’amalgamer avec la « Grande cause nationale 2009 » (qui promeut les dons d’organes). à l’en croire Our body « souhaite servir de relais efficace à la diffusion de cette grande cause, en accueillant au sein de l’exposition des associations caritatives représentatives. »

De l’aveu des journalistes qui l’ont visitée, le malaise est pourtant évident. Certains parlent d’un « musée des horreurs ». Quelle est la valeur pédagogique d’une peau humaine complète, étalée comme un ta­pis, avec toute sa pilosité ? On est près de la pornographie. Parmi les signataires d’une pétition d’intellectuels qui contestent Our body figure le directeur de la fondation Auschwitz. Inutile de s’étendre sur la description des dix-sept mises en scène qui visent à l’évidence à provoquer la stupeur, même si certains anatomistes ont l’impression qu’elle vulgarise leur expérience professionnelle. Seule pudeur de l’édition française, au regard de celle de New York, point de présentation d’embryons et de fœtus au divers stade de grossesse… Mais ce qui est montré devrait suffire à provoquer des cauchemars chez les enfants que des parents conduisent à cette visite (l’exposition est ouverte sans limite d’âge).

Incontestablement, Our body trouve un public : 3 millions d’Américains l’auraient vue. Les organisateurs tablent sur 300 000 Français. Ils insistent sur la « qualité » de la présentation. Chaque écorché nécessiterait jusqu’à 4 000 heures de travail, par le procédé de plastination, inventé par Gunther Von Hagens dans les années soixante-dix. Mais ils se bornent à donner sur l’origine des corps - qu’ils nomment « spécimens » – une adresse sans explication : la fondation Anatomical sciences and technologies de Hong Kong. Le Dr Von Hagens – qui n’est pas partie prenante d’Our body – fut accusé d’avoir acheté des condamnés à mort chinois. Un de ses « plastinés » avait reçu une balle dans le cerveau… On s’interroge toujours sur la façon dont des adultes en pleine force de l’âge ont pu mourir, être vendus puis exhibés plus que nus. En se bornant à attester qu’ils avaient été fournis « dans le respect des lois chinoises », la Chine n’a pas rassuré.
Pour François d’Aubert, di­recteur de la Cité des sciences « l’image de l’homme n’est pas quelque chose de neutre ». Il accuse l’exposition de constituer « une prime au voyeurisme sous couvert de science et de pédagogie ». Le CCNE a considéré quant à lui qu’il s’agissait d’une « réification » des per­sonnes et d’une « atteinte à leur identité et à leur dignité. » Son vice-président, Pierre Le Coz, s’est insurgé : « On accepte de faire à des cadavres chinois ce qu’on n’accepterait pas pour des ani­maux domestiques ».