Le catholicisme et la souffrance - France Catholique

Le catholicisme et la souffrance

Le catholicisme et la souffrance

Copier le lien

Lorsqu’un catholique entre dans un temple protestant, il pourra souvent noter la présence d’une ou plusieurs croix, mais nues. Les églises catholiques ont presque toujours un crucifix ; les églises orthodoxes aussi, mais plutôt à plat qu’en volume. Nombre d’églises catholiques sont réputées pour une représentation détaillée des blessures et souffrances du Christ crucifié. Cela nous donne une idée de la perspective catholique unique sur la souffrance.

En lisant la vie de nombreux saints catholiques, on se rend compte que non seulement ils acceptaient la souffrance, ou se résignaient à souffrir, mais également la désiraient, la recherchant activement, en demandant davantage. Par exemple les trois jeunes enfants à qui la Vierge est apparue à Fatima, ont commencé à rechercher la souffrance lorsque Marie leur eut révélé que « beaucoup d’âmes vont en enfer parce que personne ne se sacrifie ni ne prie pour eux ».

La jeune Jacintha (maintenant sainte Jacintha) surpassait les autres enfants dans la recherche de sacrifices et souffrances volontaires, jusqu’à ce que Notre-Dame lui apparaisse et lui enseigne plus de modération.
Un psychiatre verrait du masochisme dans un tel désir de souffrance. Mais le masochisme est l’amour de la souffrance pour soi même, alors que la souffrance recherchée par les saints est motivée par l’amour, par le désir de s’unir au Christ dans sa souffrance rédemptrice qui apporte les grâces de la conversion aux pécheurs et de la persévérance aux faibles.

Saint Paul voyait non seulement sa prédication mais également ses souffrances comme une contribution essentielle à la construction du Corps Mystique du Christ : « je me réjouis dans les souffrances pour votre salut et complète dans ma chair ce qui manque aux souffrance du Christ pour le salut de son Corps qui est l’Eglise » (col 1;24).

Nous sommes plongés dans le mystère du Corps Mystique du Christ, quand chaque membre est relié spirituellement aux autres, et un chrétien peut prendre sur lui le châtiment encouru par un chrétien embourbé dans le péché ou un chrétien inconnu.

A l’image de Jésus qui nous a apporté l’expiation de nos fautes et le salut, les chrétiens peuvent expier les fautes des autres. Certains saints gratifiés de visions ont reçu la grâce de voir le fruit de leurs souffrances volontaires – des pécheurs converties, des âmes délivrées du purgatoire.

Sainte Faustine nous relate cette révélation stupéfiante qui lui fut faite par Jésus : « si les anges étaient capables de jalousie, ils nous envieraient pour deux choses : l’une est recevoir la Sainte Communion, l’autre la possibilité de souffrir. » La bienheureuse Dina Belanger disait également que si les anges pouvaient désirer quelque chose, ce serait de souffrir.

Les anges, envieux de notre souffrance ? A l’opposé, est-ce que la plupart d’entre nous ne sont pas envieux du sort des anges ? Nous nous les représentons comme des êtres qui une fois créés qui se sont vu offrir le choix : passer l’éternité avec Dieu ou crééer leur propre royaume de ténèbres. Et nous pensons : quel choix facile. Pas de souffrance. « OK, j’opte pour Dieu. » Mais apparemment, ce n’était pas si facile, et de nombreux anges ont choisi d’avoir leur place bien à eux dans le royaume des ténèbres.
La seule explication de cette jalousie des anges, c’est le pouvoir insurpassable de l’amour, qui conduit les anges comme les humains à vouloir partager les souffrances de ceux qu’ils aiment. Jésus lui-même en offre le parfait exemple. Il soupire : « j’ai un baptême à recevoir et il me tarde que cela s’accomplisse » (Lc 12;50). Jésus anticipe, et il est même impatient de subir ce baptême du sang pour le salut de l’humanité.
L’une des grandes différences entre le Christianisme et l’Islam, c’est l’idée du martyre dans ces deux religions. L’héroïsme signifie quelque chose de complètement différent dans chacune d’elles. Pour les chrétiens, c’est l’héroïsme de la souffrance. Dans les Béatitudes, Jésus dit à ses auditeurs : « bienheureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l »on dit faussement toute sorte de mal de vous, à cause de moi » (Mt 5;11).
C’est ainsi que Saint Laurent, condamné pour sa foi à être brûlé sur un grill, non seulement accepte son destin, mais plaisante avec ses bourreaux, leur demandant de le retourner car il est assez cuit de ce côté. Et Saint Thomas More, devant la guillotine morigénait gentiment le bourreau, lui enjoignant de couper son cou proprement à l’endroit adéquat. Aux yeux du monde, les martys chrétiens offrent l’image de la faiblesse, « tendant l’autre joue », renonçant à la vengeance, priant souvent pour leurs agresseurs.

Le martyr musulman est théoriquement le « sacrifice de sa vie pour la vérité de l’Islam », en pratique, il englobe souvent le combat et le meurtre des non-croyants. Des exemples tirés de l’actualité nous montrent d’étranges, irrationnels et inhumains massacres de centaines d’hommes, femmes et enfants dans des attentats-suicides à la bombe, parce qu' »incroyants ». La grandeur et l’héroïsme de tels martyrs est mesurée, non sur la base de la quantité de souffrance qui leur a été infligée injustement, mais sur celle de la quantité de souffrance qu’ils causent à eux-mêmes et aux ennemis de l’Islam par cet acte contre nature qu’est le suicide, dans la perspective que ces ennemis soient forcés de reconnaître la supériorité et le pouvoir de l’Islam.

Dans la nouvelle de Flannery O’Connor Le temple de l’Esprit Saint, une des jeunes filles déclare : »quelle ne pourrait jamis être une sainte, mais pourrait éventuellement être une martyre, s’ils la tuaient rapidement ».

Cela rend probablement compte de la manière dont la plupart d’entre nous, chrétiens, envisageons cet appel à l’héroïsme. Mais le martyre est rarement court. Et les souffrances, de quelque sorte qu’elles soient, même pour les plus nobles causes, nous semblent habituellement longues.


Howard Kainz est professeur de philosophie honoraire à Marquette University. Il est l’auteur de plusieurs livres dont tout récemment L’existence de Dieu et la Foi instinctive.

— –

légende photo : retable d’Isenheim (détail) par Matthias Grünewald, vers 1515


http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/catholicism-and-suffering.html