Le Chat de Chester - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Le Chat de Chester

Traduit par Antonia

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La mise en œuvre de l’entreprise de destruction du christianisme a débuté il y a plus de trois siècles, mais c’est seulement pendant les cinquante dernières années que les anti-chrétiens ont découvert leur arme la plus efficace.

Le projet a commencé aux alentours de 1700 avec l’apparition du déisme comme substitut du christianisme. Les déistes se présentaient sous plusieurs formes. Certains (comme Voltaire et Tom Paine) détestaient le christianisme. D’autres (comme Jefferson et Kant) ne le détestaient pas. Ils le considéraient seulement comme un système de croyances inférieur renfermant quelques beaux principes moraux mais aussi des superstitions pernicieuses. Voltaire a essayé de détruire le christianisme (avec son « écrasez l’infâme ») en le ridiculisant : voir son Dictionnaire philosophique. Et comme il était très spirituel, il a assez bien réussi. Jefferson, lui, a essayé de détruire le christianisme en montrant que Jésus était un type épatant, une fois que vous aviez débarrassé son image des nombreuses superstitions dont les chrétiens l’avaient agrémenté, un peu comme les ornements qu’on suspend sur un arbre de Noël. Voir La Vie et la Morale de Jésus de Nazareth de Thomas Jefferson qui est littéralement un couper-coller du Nouveau Testament.
Des attaques de ce genre incitèrent certains fidèles à renoncer au christianisme, mais pas un grand nombre d’entre eux. Pour être touchés par ces attaques il fallait lire des livres et les lire attentivement. En d’autres termes, il fallait être un intellectuel ou un semi-intellectuel.

Pendant la deuxième moitié du XIXe siècle le christianisme fut en butte à une autre attaque en règle. Les anti-chrétiens utilisèrent la théorie de l’évolution biologique de Darwin, l’agnosticisme de Spencer et la « critique évoluée » de la Bible de l’école allemande pour enfoncer la vieille religion. Cette fois encore, il s’agissait d’une attaque intellectuelle, visant les lecteurs de livres et d’articles de revues sérieuses. Mais, grâce à l’importante croissance de la prospérité économique pendant le XIXe siècle, le monde comptait beaucoup plus d’intellectuels et de semi-intellectuels qu’une centaine d’années auparavant. Et cette fin de siècle vit donc les fidèles déserter la vieille religion en grand nombre. Néanmoins, le christianisme continua à être de loin la croyance dominante dans le monde occidental.

Un produit dérivé de cette attaque de l’ère victorienne fut le protestantisme progressiste qui, croyant adapter le christianisme pour le rendre plus acceptable pour l’homme moderne, entraîna pendant les soixante premières années du XXe siècle un très grand nombre d’abandons du protestantisme classique, pour une grande partie involontaires. Car un protestant libéral pouvait abandonner un article du credo chrétien traditionnel après l’autre – comme la naissance virginale, la divinité du Christ, la Rédemption et la Résurrection – tout en continuant à se considérer comme un chrétien et à se croire tel plus ou moins honnêtement. (Un autre produit dérivé de cette attaque est le modernisme catholique qui fut tué dans l’œuf par le pape Saint Pie X).

Mais le plus grand coup porté au christianisme, celui qui semble avoir le mieux réussi à rendre le christianisme minoritaire dans le monde occidental, c’est la révolution sexuelle qui commença dans les années 60. Pas besoin d’être un intellectuel ou un semi-intellectuel pour participer à la révolution sexuelle. Pas besoin de lire des livres ou des articles ni d’assister à des conférences érudites.

Tout ce que vous aviez à faire était de commettre ce que le monde chrétien avait jusqu’alors considéré comme un péché de luxure, tout en pensant en même temps que ce que vous aviez fait n’était pas du tout un péché, mais une bonne action. Et point n’était besoin de commettre ce « péché » en personne. Il suffisait d’approuver les péchés de ce genre. La révolution n’était qu’en partie une transformation du comportement sexuel. C’était davantage un changement de l’évaluation du comportement sexuel, les signes moins devenant des signes plus.

Bien sûr, le protestantisme progressiste (rejoint après Vatican II par le catholicisme néo-moderniste qui s’était relevé après le coup apparemment mortel porté par saint Pie X au début du XXe siècle) réagit comme d’habitude, affirmant que vous pouviez être chrétien tout en répudiant une moralité sexuelle chrétienne qui remontait aux premiers temps du christianisme. Sous l’effet d’un surprenant aveuglement, de nombreux protestants et catholiques ont vraiment réussi à se convaincre qu’il en est ainsi. Mais cet aveuglement ne saurait durer. Il est si ridicule que ce n’est pas le genre de notion qu’on peut transmettre aux prochaines générations.

Nous vivons à une époque où le christianisme, comme le chat de Chester d’Alice, s’efface progressivement dans les pays les plus modernisés du monde.

Le chat de Chester ne laisse que son sourire après lui. Le christianisme progressiste, tant protestant que catholique, ne laisse aussi après lui qu’un sourire qui dit : « Je suis un grand fan de Jésus », le type dont le message immortel se résume dans ces magnifiques paroles : « Ne jugez pas pour ne pas être jugés ».

Vendredi 6 novembre 2015

Photographie : « Nous sommes tous fous ici » (Alice au pays des merveilles).

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David Carlin, un nouveau collaborateur, est professeur de sociologie et de philosophie au Community College de Rhode Island, et l’auteur de l’ouvrage The Decline and Fall of the Catholicism in America.