Wajda, l’hommage du talent à la liberté et à l’histoire - France Catholique
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Wajda, l’hommage du talent à la liberté et à l’histoire

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Le cinéaste Andrzej Wajda mort cette semaine était une des voix puissantes qui ont incarné le destin de la Pologne du XXème siècle en lutte pour sa liberté. Fils d’un des officiers polonais assassinés par les sbires de Staline à Katyn en 1940, lui-même engagé dans l’armée clandestine de la Résistance qui s’est opposée à la fois aux nazis et aux communistes, Wajda a suivi ensuite l’appel de sa vocation artistique de peintre, puis de metteur en scène de théâtre et de réalisateur de cinéma. En 1957, il produit un premier chef-d’œuvre sur l’insurrection de Varsovie avec le film « Kanal » (« Ils aimaient la vie »), couronné par un prix spécial du jury à Cannes.

Vingt ans plus tard, avec « L’Homme de marbre », il dresse un portrait corrosif des mises en scène quasi stakhanovistes de la propagande du régime communiste en Pologne. Trois ans après, à l’heure de la grande épreuve du syndicat Solidarité, c’est « L’Homme de fer » avec une participation emblématique de Lech Walesa : cette fois, la Palme d’Or du festival de Cannes va épargner la prison à un Wajda devenu un opposant du régime du Général Jaruzelski après le coup du 13 décembre 1981…

Il part tourner à l’étranger, notamment avec Gérard Depardieu un « Danton » qu’une partie de la Gauche française jugera… choquant pour avoir osé bousculer le tabou de la Terreur jacobine et la vache sacrée qu’est encore parfois Robespierre… S’inspirant d’un Dostoïevski également caustique et iconoclaste, il sort une adaptation difficile des « Possédés » sur les « démons » psychologiques et idéologiques du nihilisme slave…

Après le grand tournant historique de 1989, retour à la tragique histoire polonaise, avec un film éponyme consacré à ce héros absolu que fut Janusz Korczak, pédagogue et médecin qui, au cœur du ghetto juif de Varsovie, obtint des nazis de pouvoir accompagner jusqu’au camp d’extermination de Treblinka les orphelins qu’il avait pris en charge avec une abnégation sidérante.

Autre source d’inspiration de ce cinéaste prodigieux qu’était Wajda, la littérature polonaise, avec le savoureux « Pan Tadeusz, quand Napoléon traversait le Niémen » tiré de l’œuvre d’Adam Mickiewicz, situé en Lituanie à une époque où l’Etat polonais avait été rayé de la carte, et montrant deux familles polonaises, l’une indépendantiste et l’autre alliée aux Russes…
Dans « Katyn », en 2008, Andrzej Wajda raconte l’histoire des compagnons d’infortune de son propre père, Jakub, qui a été un des 22.500 officiers polonais massacrés en cachette par les Soviétiques en 1940 : un spectacle poignant qui a été peu relayé dans une France restée frileuse sur ce genre de sujet… En 2013, retour à une histoire politique plus récente, avec une nouvelle évocation du combat de « Solidarnosc » à travers un Lech Walesa, aujourd’hui contesté mais entré dans la légende, et que le titre de ce nouveau film présente comme « l’Homme du peuple ».

Le dernier film de Wajda, « Powidoki », présenté le mois dernier à Toronto, doit sortir bientôt en salle : cette sorte de testament du cinéaste présente le combat ultime d’un peintre d’avant-garde, Wladyslaw Strzeminski, qui s’opposa au pouvoir stalinien. Certains y voient une critique globale de tous les conservatismes, y compris dans la Pologne d’aujourd’hui… Quoi qu’il en soit, Wajda restera dans les mémoires comme un avocat intrépide et inspiré de l’indépendance d’esprit.

Denis LENSEL