Il aura fallu la crise économique actuelle pour que la vieille germanophobie française pointe à nouveau le bout de son nez dans le débat public. Entre Arnaud Montebourg évoquant Bismarck à propos de la politique d’Angela Merkel et le député Jean-Marie Le Guen comparant Sarkozy à Daladier au retour de Munich, les vieilles images, les anciens clichés remontent à la surface de façon particulièrement déplaisante, et inopportune alors que la coopération franco-allemande est plus que jamais de l’ordre de l’urgence.
A vrai dire, ils n’avaient jamais totalement disparu. On n’oublie pas si facilement trois guerres et une occupation particulièrement impitoyables. A cela il faut ajouter les horreurs nazies devenues emblématiques de la barbarie moderne. La germanophobie française est certes irrationnelle, mais ses racines ne peuvent être évacuées d’un revers de main. Nous touchons à la mémoire collective, à l’histoire qui s’inscrit dans le passé familial ou dans notre paysage quotidien. Pensons simplement au monument aux morts de chacun de nos villages et de nos villes.
Cette germanophobie a eu longtemps ses justifications intellectuelles qui ne se limitent pas à Barrès ou à Maurras. Aux premiers jours du procès de Nuremberg, le démocrate-chrétien François de Menthon, procureur français, avait expliqué que le nazisme et ses horreurs avaient été rendus possibles par une certaine prédisposition de l’esprit allemand. Les stéréotypes de l’Allemand épris d’ordre et de romantisme ténébreux ont la vie dure.
Même si, on doit l’espérer, elle ne peut que s’affaiblir jusqu’à disparaître au fil des générations, la germanophobie demeure une donnée de la mentalité française, une donnée qu’il ne faut ni dénier ni surestimer. Cette germanophobie est dangereuse car elle risque de polluer les jugements à droite comme à gauche. Jouer avec elle dans un but politicien est pour le moins irresponsable.
L’Europe n’a pu être construite que grâce à la réconciliation franco-allemande. Ce n’est pas un hasard si De Gaulle et Mitterrand l’ont voulue et poursuivie. Ces deux chefs d’Etat savaient ce qu’était l’Histoire.
Face aux vieux démons et aux anciennes rancunes, la solidité du couple franco-allemand est aujourd’hui vitale pour les deux peuples. Il emporte que nos hommes politiques ne l’oublient jamais.
Pour aller plus loin :
- Le vieux et la mort
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- Quand le virtuel se rebelle contre le réel, l’irrationnel détruit l’humanité
- La République laïque et la prévention de l’enrôlement des jeunes par l’État islamique - sommes-nous démunis ? Plaidoyer pour une laïcité distincte
- Bulletin de l'Acip n°1131 (DR)