Une voix venue du front - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Une voix venue du front

En France, c'est le 14 juillet que l'armée est « à l'honneur »...
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La semaine dernière, en fin de journée du 4 juillet [Fête nationale USA] j’ai reçu un message exceptionnel d’un ancien « Marine » (me trouvant alors à l’étranger, je n’ai pu le saisir qu’à mon retour.). C’est un cri du cœur lancé pour exprimer le sentiment d’isolement de nombre de nos magnifiques combattants, hommes et femmes. D’une part, ils se sacrifient — parfois sans en revenir — pour la nation et ses plus pures vérités. Et d’autre part, ils n’en reçoivent guère de reconnaissance et, parfois pire, découvrent le mépris envers leurs valeurs les plus intimes, y-compris leurs valeurs religieuses.
D’une certaine manière, c’est bien sûr devenu chez nous une banalité.

Certains combattent, meurent, pour nous, afin que le pays puisse poursuivre son train, inconscient, pensant qu’aucune action d’individus ou de groupes n’a une grande incidence sur notre bien-être ou nos qualités morales en tant que peuple — ou, plus simplement, notre survie.

Je m’étonne encore que des millions d’humains veuillent encore endosser ce fardeau dans les conditions actuelles.

Mais il y a une touche attristée dans ce document — en particulier à propos du catholicisme — qui mérite l’attention.

Mon correspondant commence ainsi :

« Je me souviens du 4 juillet 2004, une halte au cours d’une patrouille à Fallujah et alentour, mission d’une durée de cinq jours. Je me rappelle la chaleur accablante, la crainte de l’embuscade, des coups de feu, des tirs de mortier, devenue si banale que la peur se muait en action. Je me trouvais entre mon véhicule et un talus de sable me protégeant des tirs ennemis … Mon gilet pare-balles, mes cartouchières, mon poste radio, pesaient tant que le moindre mouvement était un supplice. J’étais étendu, prenant une pause,, les yeux au ciel. Et je pensais : malgré la fatigue, sans soutien, je sers mon pays, entraînant mes Marines, je sers pour protéger notre Constitution. Et en ce 4 juillet 2004 à Fallujah, j’ai remercié ces hommes qui, voici bien des années à Philadelphie ont mis par écrit mes droits de citoyen américain. J’aurais trop aimé ne pas être en Irak, mais, je le savais, c’était mon devoir. »

Je dois préciser que je connais bien cette personne, et je sais que c’est un récit véridique, pas une anecdote forgée — comme il y en a tant — à l’occasion de la fête nationale.

De nos jours, nombre d’Américains se moquent éperdument du rapport entre une guerre lointaine et la rédaction de notre Constitution. Nous sommes en fait maintenant engagés à déployer nos forces armées dans des actions sociales anti-constitutionnelles et même parfois anti-chrétiennes.
Mon correspondant poursuit ces tristes constatations par ces mots effarants :

« Aujourd’hui 4 juillet 2013, près de dix ans plus tard et après bien des combats je suis plein de tristesse. Hier, un Américain m’a dit : « Cette Constitution est démodée et devrait être réécrite. Elle a été conçue par une équipe de paysans qui seraient incapables de gérer les affaires actuelles. » La conversation s’acheva sur plusieurs déclarations : « Nul n’attaquera jamais votre foi, mais si l’Église catholique persiste en son action, votre foi sera comparable à celle des racistes qui ont refusé le mouvement des droits civiques ». »

On aurait pu naguère mettre en doute l’authenticité d’une telle conversation, mais pas actuellement. Le Président Obama n’a jamais énoncé directement rien de tel. Néanmoins on pourrait dire sans exagération que c’est son point de vue et celui de son administration. Ils s’appuient sur la Constitution si elle sied à leurs vues, mais pensent qu’autrement — et ils ont bien raison, si on en croit l’absence de réactions de la population, d’autres responsables gouvernementaux, ou de la presse — ils sont fondés à ignorer les limites établies jadis par ces « paysans » quand elles s’opposent à leurs plans , par exemple d’imposer leurs propres vues aux autres Américains ou à l’Église catholique.

Il existe de longue date en Amérique une certaine arrogance à l’égard de l’Église, naturellement, due essentiellement à la méconnaissance de la richesse culturelle et de la robustesse intellectuelle du catholicisme. Et actuellement c’est attisé par la haine violente envers quiconque se met en travers de l’individualisme radical, presque toujours à propos de questions sexuelles. Les Américains éprouvent si peu d’intérêt pour les questions religieuses qu’ils ne critiquent plus guère l’Église catholique sur les vieilles chicaneries, les questions théologiques, la Vierge Marie, la confession, ou la prêtrise (quoique le célibat des prêtres attise les mêmes querelles que jadis la simple notion de prêtrise — est-ce un progrès?).

Actuellement tout tourne autour de la contraception, de l’avortement, de l’homosexualité et d’une vision de l’homme et du monde rejetant cette nouvelle éthique. Que toute notre civilisation encore récemment, et pratiquement toutes les autres civilisations, s’accordaient au catholicisme sur de telles questions compte « pour du beurre », c’est une marque de ce nouveau mode de pensée américain.

Soyons bien clairs, la disparition graduelle du christianisme laisse grandir la menace sur l’ordre constitutionnel des États-Unis. Mon correspondant le pointe avec justesse :

« Et maintenant, je suis plein de tristesse, ma foi et mon Église sont méprisées comme de la bigoterie ; et ce document stupide que j’ai juré de protéger, ce que j’ai fait pendant treize ans lors de plusieurs guerres, est considéré par certains comme l’élucubration de paysans. Dieu merci, ces « paysans » m’ont promis que j’aurais le droit de pratiquer ma religion et d’exprimer mon opinion. J’espère que les Américains s’en souviendront en ce jour. J’ai combattu pour cette liberté, au côté de beaucoup d’autres qui ont tout donné, et nous continuerons certainement. »

Je ne suis pour ma part pas aussi optimiste, mais l’avis de ceux qui ont combattu et risqué leur vie mérite, aussi tristes que soient les perspectives, d’être entendue.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/a-voice-from-the-front-lines.html