Une vierge concevra - France Catholique
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Une vierge concevra

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L’Avent : la traditionnelle chicanerie ne tardera pas à revenir à propos de la prophétie d’Isaïe (7.14): « Voici: la vierge est enceinte et va enfanter un fils qu’elle appellera Emmanuel.» On vous dira que le mot hébreu pour « vierge » est « bethulah », mais que le terme employé ici est « alma », qui signifie simplement « jeune fille », aussi les premiers chrétiens pensant qu’Isaïe voulait dire « vierge » étaient simplement dans l’erreur. De ma chaire j’ai subi nombre de fois cette chicanerie, qui s’est répétée d’année en année, reprise par les médias, proclamée comme résultant des dernières découvertes bibliques.

Les lecteurs apprécieront sans doute d’apprendre que les premiers Pères de l’Église étaient parfaitement conscients de la question. Saint Jérôme, entre autres, en a longuement disserté au quatrième siècle. Au douzième siècle, l’érudit Richard de St. Victor eut une fameuse dispute avec un de ses frères religieux, André, qui se croyait compétent et sensé après avoir « découvert » le problème, ayant appris quelques mots d’Hébreu. Ce conflit prouve, s’il le fallait, combien une connaissance partielle peut être dangereuse.

La première traduction « alma » = « vierge » ne date pas du temps des premiers chrétiens, mais du troisième siècle avant Jésus-Christ, par des érudits juifs qui traduisirent la Bible en Grec (la version dite « des septante »). Ce sont ces traducteurs juifs qui traduisirent le mot « alma » d’Isaïe (7.14) par le mot grec parthenos, « vierge ». Jérôme, qui apprit l’Hébreu de rabbins en terre sainte, était persuadé que c’était une bonne traduction, et il adopta pour la Vulgate le mot Latin virgo, d’où vient l’Anglais « virgin » [le Français « vierge »].
Mais pour quelle raison les anciens rabbins traduisirent-ils le mot « alma » par le mot grec signifiant « vierge »? On n’en sait rien, mais ils furent vraisemblablement, comme Richard de St. Victor des siècles plus tard, convaincus par le contexte. Le verset précédent dit: « Écoutez donc, maison de David: ne vous suffit-il pas de fatiguer les hommes, que vous veniez à fatiguer mon Dieu? C’est donc le Seigneur lui-même qui va vous donner un signe.»

Il n’y a guère de « signe divin », comme le suggérait Richard, en une jeune fille, qui n’est pas vierge, concevant un enfant. Çà arrive tous les jours. Et si les Juifs croyaient que la prophétie était réalisée du temps d’Isaïe, pourquoi attendaient-ils toujours la venue du Messie des siècles plus tard? Aussi, selon l’ancienne loi juive, une « alma » était réputée vierge, jusqu’à preuve du contraire.

Rien ne prouve que « alma » ait jamais désigné une jeune femme mariée, ou une femme surprise à forniquer. En un sens, le mot alma semble avoir eu une acception guère différente du mot « pucelle ». On peut dire « pucelle » d’une jeune femme en âge d’être mariée, c’est une façon plus gentille, moins commune, que dire « vierge » en bonne compagnie. [NDT: la langue médiévale de Richard a évolué . . .].

Quoi qu’il en soit — et il reste bien à dire sur les deux points de vue — pour les chrétiens qui comprennent que dès les premiers temps l’Église est restée attachée à la continuité de l’Ancien et du Nouveau Testament, s’enfermer dans une telle querelle verbale, c’est rater un point bien plus fondamental.
Supposons, pour notre raisonnement, qu’Isaïe ait eu à l’esprit un autre enfant, peut-être une « jeune femme » déjà enceinte. Et supposons que la conclusion de la prophétie soit, comme au verset 16 « Car avant que cet enfant sache rejeter le mal et choisir le bien (c’est-à-dire avant l’âge de raison), elle sera détruite, la terre dont tu redoutes les deux rois.» Ainsi, Isaïe pouvait penser que les deux rois assiégeant Juda seraient prochainement assassinés, comme le révèle le second Livre des Rois (15). Mais même dans ce cas il n’y aurait pas plus de difficulté pour les chrétiens qu’accepter l’existence historique d’Abraham, Moïse ou David, tous trois préfigurant la venue du Christ.

Considérer la façon dont agit cette « préfiguration » est comme considérer comment les noms de Dieu révèlent qui est Dieu. Prenons par exemple, le nom « Père ». Nous connaissons d’abord les pères humains. ce n’est qu’après que « Père » s’applique à Dieu. Mais une fois que nous comprenons Dieu plus intensément nous réalisons qu’Il est plus pleinement « Père » que nos pères humains.

Il nous crée à partir de rien. Il prend soin de nous plus fidèlement. Son amour n’aura pas de fin. Quand enfin nous arrivons à connaître Dieu, nous réalisons (rétrospectivement) que nos pères humains « préfiguraient » notre Père divin. Aussi ce qu’Isaïe distinguait vaguement, comme à travers un verre teinté, ne devait se réaliser pleinement qu’à la venue du Christ.

Les auteurs humains se servent des mots pour « préfigurer » leurs récits, mais seul Dieu peut donner une préfiguration à l’aide d’évènements historiques. Dieu a tenu les promesses faites à Abraham, Moïse et David, mais ces promesses de liberté et d’une terre où vénérer Dieu en paix, et la venue du Royaume de Dieu, se réalisent bien mieux, comme le croient les chrétiens, par la venue du Christ. Il nous délivre du péché et de la mort. Le culte qu’Il institue implique le partage du Corps et du Sang de Dieu. Le royaume qu’Il fonde est en vérité le royaume de Dieu. Le Christ, comme disent les Pères de l’Église, récapitule et achève l’histoire de notre salut.

Quoi qu’Abraham, Moïse et David aient espéré, ils ne pouvaient pas avoir la plus petite idée des merveilles que Dieu destinait à Son peuple, ou de l’immensité de l’amour qu’Il montrerait dans les temps à venir. Qui aurait pu imaginer — et c’est toujours dur à croire — qu’en envoyant Emmanuel Dieu serait réellement, par la chair, « Dieu avec nous ».

http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/the-virgin-shall-conceive.html