Une histoire de rédemption - France Catholique
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Pèlerinage de Chartres : la jeunesse de l'Église
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Une histoire de rédemption

Les Bretons voyagent beaucoup et ont la tête mystique. Cela rend probablement plus facile de faire un beau roman chrétien d'aventures…
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Ça commence comme du René Bazin, avec de beaux paysages et des psychologies soigneusement posées. On est à la frontière du Trégor et du Léon, à Morlaix, Bretagne catholique que la République du début des années 1900 vient provoquer jusque dans ses cathédrales. Certaines familles se divisent, le clergé souhaite la résistance mais refuse la violence, des jeunes gens s’échauffent. Un drame survient. Renaud, le jeune fiancé, doit s’enfuir. Il ne sait pas encore qu’il devra définitivement renoncer à sa promise et mener une longue vie d’aventures qui pourrait donner une saga à la Roger Martin du Gard, traversant tout le siècle avec une généalogie compliquée…

Mais Xavier Accart, qui donne là son premier roman, possède le métier de journaliste et a décidé de faire bref, simple et vif, d’évoquer des situations plutôt que de les développer, en sautant de date en date, de 1902 à 1975… avec des personnages principaux qui ne découvriront, pour certains, que très tard, qu’ils forment une seule et même histoire… Ce récit kaleïdoscopique et palpitant de 330 pages peut se lire en deux soirées. Mais une lecture plus lente ne serait pas déconseillée pour goûter le beau style, les mots recherchés… Il y a aussi une sorte de quiz culturel qui amusera ceux qui connaissent un peu la période. On croise Ernest Renan et le petit père Combes, la famille Psichari est par là, la future mère Geneviève Gallois comme professeur de dessin, un des héros peut lire la philosophe Simone Weil avant tout le monde, et tant d’autres clins d’œil à Montmartre ou au quartier Montparnasse…

À peine plus détaillée est la description de René Guénon, mystique de la « Tradition » ésotérique chrétienne et orientale… sur qui Xavier Accart a pourtant publié naguère plusieurs études de haut niveau. On le trouve à deux moments clefs du roman pour donner son poids d’authenticité à une démarche qui confronte les deux principaux héros à la légende du miracle des septs dormants, dont on trouve les traces en Bretagne, là où Massignon sera à l’origine d’un pèlerinage catho-musulman…, au Maroc, en Égypte et bien sûr à Éphèse en Turquie où se dénouera toute l’histoire.

Il ne faudrait rien dévoiler de plus pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur. Sauf peut-être qu’il aura droit, parmi tant d’autres détours surprenants, à une très originale description de la bataille de Bir-Hakeim dans le désert de Libye en 1942. Et peut-être signaler à ceux qui aiment l’Égypte qu’il se trouveront transportés dans une Alexandrie cosmopolite à jamais disparue. Mais il faut surtout redire qu’il y a dans ces pages, notamment, un hymne à la Bretagne catholique. Celle-là même dont le journaliste Jean-Yves Le Priol se demande ce qu’il en reste aujourd’hui dans son récent livre-reportage. Xavier Accart lui apporte à sa manière une réponse, en faisant faire à l’un de ses héros le pèlerinage du Tro Breiz, passant aussi par Sainte-Anne d’Auray et par l’abbaye Sainte-Anne de Kergonan, endroits que le romancier connaît manifestement très bien et dont les descriptions intemporelles montrent combien leur vitalité spirituelle est inentammable.

Sur des itinéraires que les chrétiens suivent désormais facilement et nombreux (en Bretagne sur le tro Breiz et même en Turquie jusqu’à la « maison de la Vierge »), ce roman pourrait bien aussi se révéler un guide spirituel pour beaucoup, car il montre la grâce en action sur le long terme et dans les pires épreuves. On allait oublier de vous rappeler que Xavier Accart est le rédacteur en chef de la revue mensuelle Prier. Et cela lui donne une facilité évidente pour tirer son lecteur vers le haut.

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Xavier Accart, Le Dormant d’Éphèse, Tallandier, 330 pages, 19,90 €.