Un ami – fort brave homme et bon catholique – a objecté quand j’ai déclaré que la contraception et la mentalité contraceptive n’avaient pas seulement radicalement changé la conception que notre société a du mariage et de la famille mais avait peut-être définitivement sapé l’Occident, des cultures et des nations précédemment chrétiennes. C’est une vision sombre, je l’admets, mais tout à fait réaliste – et qu’il est absolument nécessaire de faire connaître aux chrétiens.
Sa contre-argumentation était que ma vision était trop simpliste et ignorait le fait que le déclin du taux des naissances précédait d’un siècle ou plus l’invention de la pilule. Bien plus, il y a des causes sous-jacentes nombreuses et complexes, des causes économiques, sociales, géographiques, etc. Tout cela est assez vrai.
Mais il manque le principal. La contraception n’est pas l’unique cause du déclin radical des populations, mais est plutôt le moyen de l’installer effectivement un peu partout. Des courants idéologiques ont joué un rôle primordial, comme le mouvement contre la croissance démographique. Et l’économie et d’autres facteurs sont certainement impliqués. Mais ils n’expliquent pas vraiment ce qui est absolument nouveau dans cette baisse, depuis un siècle, du taux de fertilité.
Au long de l’histoire, les gens ont limité la taille de leur famille pour différentes raisons, à la fois sociales et personnelles. Mais ce faisant – principalement par l’abstinence ou des contraceptifs locaux – ils ne reniaient pas en tant que tel le projet de Dieu sur le mariage, mais refusaient simplement de le suivre, pour de bonnes ou mauvaises raisons.
Ils n’ont jamais affirmé, comme le font de nos jours des gens en nombre croissant, que la stérilité est vraiment préférable à la fertilité, ni affirmé que la stérilité dans le mariage est équivalente, si pas préférable, à la fertilité dans le mariage. En d’autres mots, ils n’étaient pas impliqués dans une redéfinition de la relation essentielle entre le mariage et la procréation.
Ce n’est plus le cas. Et la large et croissante acceptation de l’accès au mariage des couples homosexuels est un signe des temps puissamment révélateur, le développement ultime des implications de la contraception sur le mariage et sur la société.
La mentalité contraceptive n’est pas uniquement une construction mentale, ni une matière d’importance secondaire, comme le suggère Peter Steinfels dans un récent article dans Commonweal, pressant le synode de rejeter enfin l’enseignement de l’Église sur la contraception. C’est cette mentalité précise qui est absolument nouvelle dans cette tendance historique à l’infertilité, cette tendance à séparer radicalement la fertilité du mariage, de nier que la procréation est un aspect essentiel d’un véritable mariage.
Cette tendance a maintenant atteint son apogée avec l’affirmation, inscrite dans la loi, que la forme ultime de l’union sexuelle infertile, la sodomie, doit être reconnue de la même manière que le mariage. Voilà ce qu’est réellement le mariage pour tous, la mise à égalité d’actes sodomites avec les actes intrinsèquement reliés à la fertilité, même s’ils ne produisent pas tous une descendance. Le mariage gay est l’étape finale de la redéfinition de mariage relativement à la fertilité et à la progéniture. Ce processus de redéfinition du mariage a commencé avec une acceptation morale graduelle de la contraception.
Un pas supplémentaire a été franchi avec le développement de techniques et moyens contraceptifs qui causent immédiatement la stérilité, pas simplement dans l’acte mais dans la personne agissant. La pilule était considérée comme une altération temporaire (mais peut-être pas si temporaire que ça pour certaines femmes) du corps féminin pour éviter la fertilité. Maintenant, on a développé les interventions chirurgicales, tant pour les hommes que pour les femmes, qui rendent le corps stérile de façon permanente, une altération de la nature humaine encore plus radicale.
Évidemment, ces inventions ont des conséquences sociales et culturelles immenses, qui affectent à la fois le mariage et la famille. De nos jours, nous nions systématiquement la contribution significative de la contraception à l’effondrement actuel de ces institutions, ainsi qu’au nouveau style de vie qui a émergé. Un véritable aveuglement, mais ce n’est pas le pire.
Quand nous avons commencé à altérer technologiquement le corps humain et sa fertilité, cette étape a été un tournant décisif dans notre relation à Dieu. La fertilité n’est pas un aspect accessoire de notre nature corporelle. Ce n’est pas comme notre appendice, le bien nommé, puisqu’il est juste un appendice à notre nature humaine. La fertilité est le lien le plus intime de la nature corporelle de l’homme avec le Dieu de la création, une part essentielle de nous-mêmes en tant que créés à l’image de Dieu.
Dieu est vraiment Dieu de la fertilité, même s’il n’est pas le dieu de la fertilité des païens. Du moins les païens payaient-ils tribut à la relation essentielle entre la fertilité humaine et le divin. Ils avaient pigé. Notre monde « éclairé » a cessé de comprendre. C’est pour cela que Jean-Paul II enseignait que la contraception était aussi un péché contre le premier commandement. C’est une nouvelle forme d’idolâtrie où l’homme s’installe lui-même à la place de Dieu, et les conséquences sont réellement considérables, bien au-delà des simples maux de la contraception.
La conception a tout affecté : le mariage, la foi, la conscience morale, l’autorité magistérielle, pour ne pas mentionner l’effondrement de la société causé par la révolution sexuelle, que la contraception a au minimum facilité, et maintenant la destruction de populations et de nations entières.
Ce que cinq juges de la Cour Suprême décideront en juin relativement à la nature de mariage importe finalement bien peu. Les sondages révèlent déjà la malignité qui a pris possession de masses de gens en Europe et ici-même, le soutien que même de nombreux chrétiens donnent à la proposition qu’une notion du mariage profondément pervertie doit être acceptée de nos jours comme équivalente à l’intention du mariage présentée dans la Genèse.
Cette attitude va très probablement sceller le destin de nombreuses nations.
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Le père Mark A. Pilon, un prêtre du diocèse d’Arlington, en Virginie, a obtenu un doctorat de théologie sacrée de l’université de la Sainte Croix à Rome. Il a tenu la chaire de théologie méthodique au séminaire de Mount Saint Mary.
Illustration : « Une famille britannique convertie protégeant un missionnaire chrétien de la persécution des druides » par William Holam Hunt, 1850
source : http://www.thecatholicthing.org/2015/05/23/low-fertility-is-just-the-half-of-it/