De quoi votre espérance se nourrit-elle ?
Xavier Lemoine : L’espérance, pour moi, c’est faire confiance à la Providence tout en accomplissant son devoir d’état. En ayant conscience que rien n’est jamais acquis. Les émeutes que la France a subies à la fin du mois de juin nous l’ont bien montré. Une centaine d’individus – dont 40 seulement étaient de Montfermeil ! – sont capables de détruire ce que nous avons entrepris.
Avec le recul, quelles leçons tirez-vous de ces émeutes ?
Elles n’étaient pas spontanées, contrairement à ce qui s’était passé en 2005. J’en veux pour preuves l’organisation des émeutiers et leurs capacités logistiques : en 24 heures, ils sont parvenus à déployer partout en France un arsenal impressionnant de mortiers, stockés dans des camions prépositionnés et régulièrement ravitaillés. Des scooters renseignaient les assaillants sur la position des pompiers et des forces de l’ordre ; de grosses cylindrées passaient de barricade en barricade ; des barrages ont été établis à des endroits stratégiques pour entraver les mouvements des policiers. Beaucoup étaient étrangers aux quartiers mis à sac. Ils avaient des objectifs : les commissariats, les mairies, les équipements publics. Ils avaient une tactique, une stratégie. Ils ont fait beaucoup plus de dégâts en trois jours qu’en trois semaines en 2005 ! J’en conclus que ces émeutes ont été soigneusement préparées et qu’elles étaient sous contrôle.
De qui ?
Je constate que les chefs d’État algérien et turc ont eu, lors de ces événements, des propos désobligeants envers la France. Et qu’au tribunal de Bobigny, l’extrême gauche est venue, en nombre, soutenir les émeutiers interpellés. On sait aussi que les black blocks ont un savoir-faire certain en matière d’opération. Y a-t-il eu collusion ? Y a-t-il eu jonction ? La question se pose et mérite d’être creusée.
Beaucoup ont conclu de ces événements que la politique de la ville était un échec…
Si la politique de la ville n’avait pas existé, nous aurions connu bien d’autres émeutes. Plus tôt sans doute, moins organisées peut-être, mais non moins graves. Est-ce à dire que cette politique a produit tous les effets escomptés ? À l’évidence, non ! On a voulu résorber les dysfonctionnements sociaux, économiques, urbains. Il fallait le faire, mais on s’est attaqué aux conséquences sans traiter les causes.
Et ces causes…
… sont culturelles. Mais on ne veut pas le voir ! Parce que nous vivons sous l’emprise idéologique du multiculturalisme et du relativisme : tout se vaut, rien n’est supérieur à rien. À la revendication du droit à la différence, les Français n’ont pas répondu par le racisme dont on les accuse trop souvent mais par le droit à l’indifférence : « Fais ce que tu veux pourvu que tu me laisses tranquille. » C’est un piège mortel, qui conduit à la partition du pays.
Comment déjouer ce piège ?
D’abord en réaffirmant certains principes civilisationnels.
1. L’égale dignité entre l’homme et la femme.
2. La laïcité – et non le laïcisme : respectons ce qui appartient à César sans dénier à Dieu ce qui lui revient.
3. La liberté de conscience, car il ne peut pas y avoir d’amour sans liberté. Sur ces principes, nous devons être intransigeants… mais notre droit nous y aide-t-il vraiment ?
Nous devons aussi transmettre l’amour de la France à tous ceux qui vivent sur son sol. Il est important qu’ils ne s’enferment pas dans leur communauté ni dans leur langue. Il faut qu’ils puissent passer du « nous » au « je ». Ce n’est pas facile, mais c’est possible.
Comment ?
Par une action culturelle déterminée. À Montfermeil, nous organisons des cours de français et des sorties à Paris, à Reims, à Chartres… L’autre jour, après avoir visité la cathédrale de Chartres, une maman émerveillée a confié à sa formatrice : « Tu te rends compte, ça fait quinze ans que je suis ici et je ne m’étais encore jamais intéressée à la France ! » Et des fiorettis comme celui-ci, j’en ai beaucoup ! Intéressons-les aux richesses culturelles dont notre pays regorge. Intéressons-les au beau pour qu’ils apprennent à aimer la France. Et cela ne vaut pas seulement pour les étrangers, mais pour tous les enfants français qui, eux aussi, ont soif de beauté ! C’est en conjuguant la fermeté et la générosité que nous pourrons déjouer le piège de la partition.