Une énigme troublante dans notre culture - France Catholique
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Euthanasie : la fuite en avant
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Une énigme troublante dans notre culture

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Dans un article précédent, je suggérais que la communication est souvent plus difficile que nous ne l’imaginons, spécialement quand il s’agit de sujets tels que le sexe ou l’amour. Un baiser, par exemple est par sa nature même une manière de communiquer avec son corps le message que « je suis désireux d’avoir une relation sérieuse avec toi ».

Si on n’a pas vraiment cette intention, on ne devrait pas embrasser, car le faire est une espèce de mensonge du corps, un peu comme de lever le pouce pour indiquer à quelqu’un qu’il y a assez d’eau pour qu’il plonge alors qu’on sait que ce n’est pas le cas, ou de dire qu’on va rendre le livre qu’on a emprunté alors qu’on n’en n’a pas du tout l’intention. Il y a beaucoup de façons de mentir. Mentir en paroles n’en est qu’une parmi d’autres ; l’usage de mots n’est qu’un des moyens que nous, les humains, nous avons de communiquer, ou de « signifier ». Les mots sont une sorte de signes, mais il y en a d’autres.

Quand dans une même culture, on partage un sens moral des convenances – c’est-à-dire quand nous avons tous le sens de ce que sont les bonnes limites à ne pas dépasser – et quand dans une société, tout le monde comprend ce que certaines actions signifient , cela rend les interactions beaucoup moins compliquées. En effet quand, entre deux personnes, l’une ou l’autre fait quelque chose, les deux savent ce que cette action est sensée vouloir dire. Il y a pourtant des problèmes et des incompréhensions, précisément quand cette compréhension mutuelle manque.

Aussi, quand une fille invite un garçon à prendre un café, s’il interprète « café » par « je veux du sexe », alors que ce qu’elle veut en réalité c’est prendre un café avec lui et bavarder, cela pose un problème. De même, si un homme invite une femme à dîner et paye le dîner (comme il se doit), et qu’il considère que, du coup, elle lui « doit » du sexe (ce qui n’est pas le cas), nous avons un très sérieux problème. De la même manière, si un homme et une femme se marient et que l’un dit à l’autre «  est-ce que tu veux dire que tu veux aussi du sexe ? » là encore il y a un problème et une base pour une annulation.

Un des moyens de résoudre ce risque de confusion dans ce type d’incompréhension mutuelle est de faire des efforts constants et minutieux pour clarifier la situation par la conversation.

Cela sonne bien, naturellement, mais dans la pratique, cela peut être assez délicat. Le fait de faire la cour, et d’être amoureux devrait être comme une merveilleuse danse, au bal, où l’on est transporté par la musique, la beauté de son ou sa partenaire, et le rayonnement de la nuit. Ce n’est pas tout à fait pareil si les partenaires doivent discuter à l’avance chacun des pas de danse. « Est-ce que nous pouvons accepter d’aller à gauche ? » « Somme nous d’accord pour que je te fasse tourner maintenant ? » Je suppose que c’est possible, mais c’est maladroit, et pas exactement ainsi que sont faits les rêves.

Ainsi, une question clé qu’il faut envisager au cours de l’impénétrable compromis, souvent usant pour les nerfs de l’amour moderne est de savoir quand et comment avoir la « conversation » ? La plupart des jeunes qui ne cherchent pas à « se brancher » sauront ce dont je parle. On a rencontré une personne qui a l’air de s’intéresser à nous – peut-être – ou bien cela pourrait être seulement qu’il ou elle « veut juste être amis » (oh non, pas ça encore).

Plus personne ne fait la cour, du coup on ne peut pas dire exactement quelles sont les intentions de l’autre. Mais on commence à se voir plus fréquemment, et puis un jour, cela arrive : Le jeune homme ou la jeune fille montre un certain désir d’embrasser, ce qui veut dire qu’il y a peut-être une passion romantique, et pas seulement le truc classique : on se voit.

Si le jeune couple a de la chance et a le sang chaud, ce baiser sera (espérons-le) quelque chose de plutôt passionné et délicieux. La musique a commencé. La question maintenant est de savoir si les deux partenaires dansent la même danse. Si l’un des partenaires entend une valse tandis que l’autre croit que ce sont les premières notes d’une chute à l’horizontale, cela va poser des problèmes.

Mais voilà le problème : C’est souvent diplomatiquement (pour ne pas dire socialement) « délicat » d’avoir « la conversation » à propos de sexe, et d’amour et de tout le reste, avec une personne qui n’est pas vraiment intéressée à faire cela avec vous. Mais souvent vous ne pouvez pas savoir si une personne est intéressée à faire cela avec vous tant que vous ne vous êtes pas embrassés. (Et même alors, avec certaines personnes, on ne peut pas en être sûr.) Et cela, c’est carrément délicat car une fois que le baiser romantique a commencé, eh bien, comme on dit dans le sud, « le cheval est déjà à mi-chemin de la porte de la grange. »

Mais tant qu’on ne reviendra pas à des pratiques – partage de signes non verbaux – qui signalent à chaque partenaire les intentions romantiques de l’autre (comme par exemple le fait de faire la cour qui permet à deux personnes de se connaître mutuellement), alors voilà la position plutôt délicate et à bien des points de vue, pas du tout romantique qui se produit : deux jeunes adultes se trouvent en train de s’embrasser passionnément, et doivent s’arrêter pour avoir la « conversation ». C’est délicat, mais qu’est ce qui se passe s’ils ne le font pas ?

Dans Perdu dans le Cosmos, le livre merveilleusement prophétique de Walker Percy, on trouve cette « lettre à Cher Abby » :
Je suis une femme de 23 ans, libérée, et sous pilule depuis deux ans. Cela finit par me revenir très cher et je pense que mon copain devrait en partager les frais, mais je ne le connais pas assez bien pour parler d’argent avec lui.

Elle le laisse pénétrer en elle régulièrement, et elle ne peut pas lui parler – de quelque chose de plutôt insignifiant comme l’argent ? Lui a-t-elle menti en couchant avec lui ?1

Naviguer sur les chemins tordus et confus de l’amour n’est pas facile dans le meilleur des cas. Mais beaucoup de jeunes adultes aujourd’hui doivent conduire à l’aveuglette, sans phares ni essuie-glaces, sous des trombes d’eau, sur de dangereuses routes de montagne. Du coup, ce ne serait pas surprenant qu’un trop grand nombre d’entre eux s’écrasent et prennent feu.


Traduction de « A confusing conundrum in our culture »