Combien de visiteurs chaque année ? Cela doit se chiffrer par millions, même si l’on ne dispose pas des moyens de comptage nécessaires. Ils viendront peut-être avec la réouverture du 8 décembre prochain. Mgr Jean-Louis Riocreux, ancien recteur de Notre-Dame, tient beaucoup à ce terme de visiteurs. Non, on ne saurait entrer dans la cathédrale en touriste. Il est vrai qu’il est difficile de définir ce qu’est le tourisme, souvent, on lui confère une tonalité plutôt péjorative, à l’opposé de l’attitude respectueuse et attentive de qui apprécie un chef-d’œuvre de l’art. Le pèlerinage est encore d’une qualité supérieure, parce qu’il suppose une pleine communion avec l’esprit du haut lieu qui vous accueille.
Que faire en dix minutes ?
Précisément, quelle peut être la disposition intérieure de celui qui accomplit la démarche de franchir le seuil de Notre-Dame ? Ils sont sans doute aux alentours de 90 % à ne pas détenir la culture religieuse minimum pour déchiffrer la signification de la cathédrale. Les responsables de l’édifice estiment, en effet, que 10 % des visiteurs ont une attitude priante, celle qui se manifeste notamment dans l’achat des cierges que l’on allume au pied de la grande croix d’entrée. Que dire des autres, au cours des dix minutes habituelles de leur parcours ? Sans doute, d’abord l’appréhension d’une dimension singulière, celle qui renvoie à un mystère qui vous échappe mais qui n’est pas étranger à un appel qui résonne en vous. La brièveté de la visite ne permet pas l’élucidation qui conviendrait, à moins que se présente un guide qui saura faire saisir, par des explications appropriées, en quoi le christianisme médiéval a inspiré la construction de Maurice de Sully.
La tâche du recteur
Que peut être l’action pastorale de l’affectataire d’un tel lieu de culte ? Si, en effet, à partir de la loi de séparation de 1905, les cathédrales appartiennent à l’État, il est reconnu aux ministres du culte la pleine disposition des édifices. Il est donc du ressort du diocèse de Paris, de son archevêque en premier lieu, d’organiser l’accueil des visiteurs de la meilleure façon possible. Un recteur est nommé à cet office. Sa tâche est particulièrement lourde. Comment faire face à ces flux considérables ? Mgr Riocreux se rappelle avec émotion ce samedi de janvier 2001, où il fut convoqué à l’archevêché de Paris. Le cardinal Lustiger l’a appelé pour lui signifier sa nomination comme recteur de Notre-Dame : « Je me souviens des yeux illuminés de l’archevêque me confiant en quelque sorte son “trésor”, lieu où il venait célébrer sa messe du dimanche soir. » En effet, dès sa nomination à Paris, Jean-Marie Lustiger a compris l’opportunité de Notre-Dame pour s’adresser au plus grand nombre. C’est pourquoi il ne manque pas le rendez-vous du dimanche soir, où il célèbre l’office divin, en s’adressant longuement aux fidèles – autour de 30 minutes, qui remplissent tout l’espace.
Cathédrale du monde entier
Pourtant, ils ne sont qu’une moitié à pouvoir le comprendre, puisque sont présents aussi les visiteurs qui se sont joints aux Parisiens. On vient sur l’île de la Cité depuis tous les continents. Le pouvoir d’attraction de Notre-Dame est incommensurable. On peut même parler de cathédrale du monde entier. Et si la tâche est inégale au défi des foules immenses, elle est vaillamment poursuivie par la dizaine de chapelains qui assurent chaque jour les confessions, occasion unique d’un recentrage spirituel pour qui envisage brusquement toute la perspective de sa vie.
À l’heure où on ne cesse de parler de déchristianisation, l’exemple de Notre-Dame de Paris invite à reconsidérer la cause d’une pastorale vraiment populaire. À l’occasion des fêtes de Noël, quatre grandes messes accueillaient les fidèles ravis de venir en famille dans ce joyau, cet écrin de la foi. Certaines voix officielles ont bien tenté de désacraliser le grand vaisseau, la nef royale. Mais ayant recouvré toute sa splendeur, Notre-Dame demeurera celle qui, sous l’égide de la Mère à l’Enfant, fait résonner et briller un message sans pareil !
