Selon Abraham Lincoln, un peuple devenant indifférent à la question de l’esclavagisme se préparerait à être réduit en esclavage. Un peuple approuvant l’asservissement des nègres établirait les prémisses de la confiscation du droit de vote pour aussi beaucoup de blancs.
Ainsi, un régime ouvert à la démocratie dans sa structure deviendrait intrinsèquement tout autre. Les gens peuvent bien aller dans l’isoloir, préparer leur bulletin de vote et sembler se comporter en citoyens accomplissant leur devoir électoral. Mais ils peuvent avoir perdu l’âme, l’esprit d’un peuple démocratique.
En ce jour [6 novembre] on peut se demander de même si les gens comprennent tous les aspects, toute la signification du bulletin qu’ils déposent dans l’urne.
Évidemment le choix doit être fait parmi les candidats [Présidentielles et législatives partielles, éventuellement élections locales] et les questions posées par referendum. Mais au-delà de ces choix se pose une question inévitablement liée à un vote: en déposant son bulletin, l’électeur reconnaît-il le droit moral du régime à appeler aux urnes, régime dont l’autorité dépend directement du consentement des citoyens?
Cependant nous avons des exemples, dans le passé et loin de chez nous ou à présent jusque chez nous, de gens se rendant à l’isoloir en se moquant totalement de savoir s’ils ont le devoir de préserver la liberté de vote pour un prochain scrutin, pour eux ou pour leurs enfants.
Le plus dramatique exemple se trouve en Allemagne voici quatre-vingts ans, pour les dernières élections libres avant la prise de pouvoir de Hitler. Certains électeurs sont allés aux urnes avec la volonté de déposer le pouvoir entre les mains d’un parti (National-Socialiste) qui ne cachait pas son intention de dépouiller certains de leurs concitoyens de leurs droits civiques (droit de vote), puis de leurs droits essentiels (droit de propriété, droit d’exercer leur profession, et, en définitive, droit de vivre).
Certains électeurs pouvaient de bonne foi ne pas croire que les Nazis gagneraient ces élections, puis enverraient les Juifs aux camps de la mort. Mais c’est dans la prise de risque consciente de voir survenir ces évènements que l’on constate la dégradation de l’esprit propre aux démocraties.
De nos jours nous avons entendu des revendications pressantes en faveur du « droit à la nationalité » des immigrés clandestins. Encore faudrait-il qu’on pose à ces éventuels futurs citoyens la question: « Se sentent-ils moralement obligés de défendre notre régime de citoyens? Comprennent-ils qu’ils n’auraient aucunement le droit de voter pour un Chavez ou un Castro susceptible de mettre un terme à notre régime d’élections libres? »
Il fut un temps où ces questions auraient été soumises à un vote. Plus maintenant. Il y a trente ans je discutais avec les gens de « ACLU » [Union pour les libertés civiques en Amérique] sur la question des nazis Américains défilant dans la banlieue de Skokie (Illinois) où résident de nombreux Juifs. David Hamlin, membre de « ACLU » a soutenu : «nous devons lpouvoir écouter les Nazis parce que nous devons pouvoir choisir les Nazis».
En d’autre termes, pour les libertaires, la démocratie repose d’abord sur l’idée qu’il n’existe pas de vérités morales: Nous devons avoir le droit de choisir car il n’existe pas de vérité morale montrant que les buts des Nazis sont moins légitimes que n’importe quel autre choix de régime politique. Et, point final à l’incohérence, il n’y aurait aucune vérité établissant la supériorité morale de la démocratie et un régime de liberté d’expression que nous ne devrions pouvoir éliminer par nos votes.
Pour certains la baisse de perception remarquée naguère au sujet de l’esclavage se retrouve actuellement quand il s’agit de la « personne humaine » dans le sein de sa mère. Nul ne peut soutenir que cette catégorie d’êtres humains « détenteurs de droits » puisse être privée de la protection des lois qui s’appliquent à tous ceux qui, eux, vont et viennent librement après être sortis du sein maternel.
Le problème a une plus grande importance dans notre pays parce que nous n’avons pas de système multi-partis où les électeurs donnent la mesure des opinions qui, après les élections, aideront à négocier la composition du gouvernement. Ici [aux USA] le choix est fait directement dans les urnes.
Un Catholique Démocrate doit choisir si le bénéfice de l’extension de la protection-santé par la politique de gauche l’emporte sur la question d’obliger les organismes Catholiques à inclure l’avortement et la contraception dans leurs assurances-santé. Ou faire reculer la mise à mort d’innocents par avortement.
De telles questions n’ont pas une si grande acuité avec d’autres systèmes électoraux. C’est l’objet du vote de ce 6 novembre, et pas seulement pour décider qui constituera le gouvernement.
Les électeurs ont un choix à faire pour eux-mêmes — sur ce qui leur tient à cœur et sur les principes qui, en définitive, constituent leurs devoirs les plus fondamentaux.
Hadley Arkes
Ombres chinoises : les électeurs font la queue.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/voting-day.html