Et si le « clash » entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky, survenu le 28 février dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche, accélérait le retour de la paix en Ukraine ? C’est le scénario que certains seraient tentés d’esquisser au regard du renversement des équilibres – du séisme ? – en cours. L’hypothèse n’est pas absurde à condition de préciser ce que l’on glisse sous le mot « paix ».
À Washington, il s’agit d’un retrait du théâtre européen, permettant de se concentrer sur la Chine, tout en continuant à écouler du matériel militaire sur le Vieux Continent. À Kiev, l’objectif est de sortir la tête haute de ces trois années de résistance face aux Russes, de limiter les pertes territoriales et de se prémunir d’agressions futures. À Moscou, la dimension « existentielle » de cette guerre – pour reprendre l’expression employée par le chercheur Olivier Zajec dans Le Figaro – devrait conduire le Kremlin à pousser ses pions aussi loin que possible sans devenir une source de nouvelles préoccupations aux États-Unis. À Bruxelles, à Paris ou à Londres, enfin, on ne sait pas très bien…
Ballet diplomatique
Le 3 mars au matin, au lendemain de la réunion à Londres des principaux dirigeants européens, à laquelle participait le Président ukrainien, le ballet diplomatique se poursuivait à un rythme effréné. Mise en retrait de Zelensky, sortie des États-Unis de l’OTAN, trêve des opérations navales et aériennes durant un mois, refonte de la doctrine nucléaire de la France et du Royaume-Uni… De nouvelles perspectives s’ouvrent à mesure que d’autres s’estompent… Si paix il y a, sera-t-elle une paix armée, une paix munichoise, une paix équilibrée ? Ou bien assistera-t-on à une escalade de type clausewitzien ?
Une des rares certitudes qui demeure, c’est l’urgence de tendre à l’autonomie stratégique, à défaut de pouvoir l’atteindre jamais. Ce n’est pas la première fois que les Américains lâchent leurs alliés en rase campagne : ils l’ont fait à Suez au profit de Nasser et de ses alliés soviétiques, ils l’ont fait au Vietnam au profit des communistes, ils l’ont fait en Afghanistan au profit des Talibans. Autant de leçons que nous lègue l’histoire et qui n’ont, semble-t-il, toujours pas été intégrées dans les chancelleries européennes… Dans un résumé saisissant, le Premier ministre polonais Donald Tusk a posé l’équation diplomatique avant de se rendre au sommet de Londres : « Il y a un manque de courage et d’imagination en Europe. 500 millions d’Européens demandent à 300 millions d’Américains de les défendre contre 140 millions de Russes. » Ne reste plus qu’à la résoudre.