Avez-vous remarqué comme les traders de tous poils ont la cote ? En photo. Leurs bouilles n’en finissent plus de s’étaler dans les journaux. En fonction de l’effondrement ou du redressement des marchés de la veille, les expressions passent du renfrogné au larmoyant et du béat au carrément hilare. Parfois en pleine page, et même en Une. Au besoin, la contreplongée (tout va bien) ou le survol (tout va mal) du sujet accentuent l’effet désiré. Un peu facile d’illustrer chaque événement boursier d’une expression d’anonyme en col blanc sur fond de chiffres énigmatiques.
Et si certaines grimaces n’en disaient pas aussi long qu’on veut nous le faire croire ? Tiens ! Ce japonais-là n’avait pas bien dormi la nuit précédente par abus de café. Il se frotte machinalement les yeux. Clic ! Ce sera le désespéré des bourses asiatiques exhibé pour un million de lecteurs. Tel autre se gratte un mauvais bouton surgi après un repas douteux. Impression d’impuissante perplexité garantie en marge d’un article d’expert. Mais que faire de ce troisième qui s’éclaffe en pleine tourmente en entendant fuser d’un collègue une des ces plaisanteries noires qui détendent aux pires moments ? Il illustrera après-demain la remontée subite des cours. On n’ose imaginer qu’on demande à quelque trader ruiné de se faire offrir un verre en prenant la pose. Mais toutes ces images sentent le virtuel. Vivement que s’apaisent les hauts et les bas de cette crise de créativité.
Tugdual Derville
