Il revenait au Conseil d’État de trancher quant à l’éventuelle interdiction de l’œuvre « Fuck abstraction ! », de l’artiste suisse Miriam Cahn, après la décision du tribunal administratif de Paris le 28 mars de débouter les six associations qui dénoncent une œuvre pédopornographique. Accrochée au Palais de Tokyo dans le cadre de l’exposition de l’artiste, la toile est notamment dans le viseur d’associations de défense de l’enfance qui y voient « une fellation imposée par un homme nu en érection à un enfant à genoux et ligoté » comme le souligne Juristes pour l’enfance.
« Tristesse, gâchis et honte. Voilà les mots qui viennent à l’esprit à la lecture de cette décision incompéhensible. » a fustigé Adeline Le Gouvello, avocate de Juristes pour l’enfance, le 14 avril, alors que le Conseil d’État a jugé que la toile pouvait rester. Deux semaines plus tôt, elle avait déjà vivement critiqué le Tribunal administratif de Paris, saisi en référé : « Il est plus que regrettable que la décision admette comme normal qu’un enfant puisse voir une scène explicite de viol d’un enfant dès lors qu’il est accompagné d’un adulte ou d’un message de sensibilisation ». La présence de la toile avait été défendue par la ministre de la Culture elle-même. « Oui, l’art peut choquer, peut questionner, peut parfois susciter du malaise, voire du dégoût. L’art n’est pas consensuel. Et la liberté d’expression et de création est garantie par la loi » avait déclaré Rima Abdul Malak. Par le biais d’un communiqué du Palais de Tokyo, Miriam Cahn avait défendu son œuvre en expliquant qu’elle n’y représentait pas « un enfant », mais « [traitait] de la façon dont la sexualité est utilisée comme arme de guerre, comme crime contre l’humanité ».
Un argument qui ne convainc pas les associations de défense de l’enfance : « Nous sommes fiers de pouvoir dire aux enfants que nous ne baisserons pas les bras et qu’ils peuvent compter sur nous pour défendre l’enfance envers et contre tout, y compris ce type de décisions iniques. Un jour ou l’autre, la justice reprend ses droits mais que de dégâts et malheurs auraient pu être épargnés à de nombreux enfants » conclut Adeline Le Gouvello.