Félicitations à l’archevêque Salvatore Cordileone qui, dans le très libéral San Francisco, a donné instruction l’autre semaine aux enseignants des écoles catholiques d’enseigner et d’agir publiquement en harmonie avec le catholicisme. Imaginez un peu : attendre des institutions catholiques et de leurs employés qu’ils se conduisent comme s’ils étaient catholiques. La réaction des médias et des politiciens « inquiets à ce sujet » était prévisible. Mais comme vous devez l’avoir remarqué, ils en sont déjà à peu près tous à tirer sur la prochaine ambulance et la question a été perdue de vue.
Il y a là une leçon capitale. L’archevêque – ou tout autre prélat à notre époque – devrait suivre la règle des politiciens avertis (tout au moins sur ce point-là). Ne vous laissez pas intimider et ne faites pas retraite à la première contre-attaque. Survivez à ce cycle de l’actualité. Utilisez à votre avantage la poursuite incessante de nouveauté manifestée par les médias et la faible durée d’attention du public. Tenez bon jusqu’à ce qu’ils aillent voir ailleurs – c’est généralement tout au plus une question de jours. Ensuite, fortifiez votre position et traitez tout défi supplémentaire comme de l’histoire ancienne.
Ces tactiques ne feront pas gagner la bataille des médias, mais il n’est pas toujours nécessaire de la gagner. Proclamer ce qui est juste et s’assurer que cela est suivi par les institutions catholiques, c’est la description du travail de base d’un évêque. La seule façon pour un responsable catholique de gagner dans les médias – tout au moins dans la plus grande partie des médias qui ne respectent pas l’Église et la déforment – est de ne pas être pleinement catholique. Si vous voulez porter des fragments de vérité à l’approbation du public, vous devez utiliser la « bonne presse » . Mais vous seriez dans une autre optique de travail.
La tâche la plus ardue est ailleurs, ainsi qu’on l’a vu à San Francisco. La plupart des gens ont réduit le christianisme à ne pas juger et ne pas exclure – et les fauteurs de trouble vont utiliser cette réduction d’évangile pour mettre en avant un ordre du jour, aussi loin que la loi le permet. Fort heureusement la loi – du moins pour le moment – n’autorise pas beaucoup d’interférences dans les affaires internes des structures religieuses. La Cour Suprême a été assez cohérente en leur donnant de larges pouvoirs discrétionnaires.
Alors je ne me soucierais pas beaucoup que quelqu’un comme le théologien amateur et philosophe politique Tom Brady senior, père du quaterback des New England Patriots qui a fréquenté une grande école catholique à Bay Area, fasse cette remarque sur le règlement du cardinal Corleone, sous les applaudissements des médias nationaux : « c’est absolument injuste et cela empiète sur la vie personnelle [des professeurs] ; il ne devrait pas avoir le droit de faire ça. » Pour le moment, il le peut, dans la mesure où ils travaillent pour lui dans une institution de l’archidiocèse.
Mais la réaction de Brady montre qu’il y a un vrai défi au sein même de l’Église. Les médias se jettent sur de nouveaux sujets à la recherche d’une plus grande audience, mais ils retourneront à une histoire ancienne sous l’angle « évêque catholique agressif ». Et ça arrive souvent quand il y a des dissensions organisées quelque part.
Si vous faites des recherches Google sur l’affaire de San Francisco, vous verrez des images de jeunes étudiants solennels, issus d’écoles catholiques de San Francisco, à qui on a enseigné l’Évangile de la non-exclusion, tenant des symboles de miséricorde, de tolérance et d’intégration. Ils ont même un compte twitter : #teach acceptance (enseignez l’acceptation). Tolérance et acceptation sont les seules valeurs chrétiennes autorisées à exister en public – et de façon croissante dans des secteurs de l’Église elle-même. Le catholicisme a l’habitude de penser plus loin : ce qui est vraiment important, c’est ce qui est accepté – ou rejeté.
Certains d’entre nous lisent toujours les vrais Évangiles, et plus excentriquement encore, croient qu’ils s’appliquent à notre situation : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre. Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive. Car je suis venu monter un homme contre son père, une fille contre sa mère, une belle-fille contre sa belle-mère ; et on aura pour ennemis ceux de sa propre maison.» (Matthieu 10:34-6)
Voilà Jésus, soit dit en passant. Nous pouvons légitimement débattre de ce qu’il a voulu dire exactement, mais il y a plein d’autres passages à propos de tas d’autres sujets qui ne collent pas très bien avec #teachacceptance.
L’énoncé de mission d’une école catholique cité en opposition à l’évêque est typique de l’éthique qui s’est développée durant les années de dérive précédant l’arrivée de Cordileone : « [nous] procurons la meilleure éducation dans une communauté de foi catholique inclusive. Nous préparons nos étudiants à devenir des chefs orientés vers le service et engagés à suivre l’Évangile. » Un énoncé de mission d’école chrétienne ne devrait jamais être en concurrence avec Saint Thomas d’Aquin, mais il pourrait peut-être se montrer un peu plus « inclusif » en mettant le catholicisme au rang des choses incluses.
Deux « activistes catholiques », qui citent cet énoncé de mission, ont écrit dans le San Francisco Chronicle : « les récents efforts du cardinal de San Francisco Salvatore Cordileone pour changer les contrats de nos bien-aimés professeurs – et pour inclure une déclaration d’éthique sexuelle dans les manuels de la faculté – est non seulement un affront aux professeurs mais aussi un affront à la nature même de l’éducation et mine nos efforts pour créer un climat de sécurité et d’accueil pour tous nos enfants. »
Bon, l’histoire de l’affront aux professeurs, nous pouvions nous y attendre, mais l’affront à la nature de l’éducation ? Qui savait que, contrairement à toute l’histoire de l’éducation catholique et de l’éducation tout court telle que pratiquée de par le monde jusque récemment, sa « nature même » consiste en sécurité et accueil ?
« Sécurité » est un nouveau terme technique qui fleurit partout. Au premier abord, il semble bien innocent, mais en fait c’est un mot de code. Ma propre mère a récemment tenu une conférence pour les femmes au moment même où une autre se tenait pour obtenir que les femmes capables d’intégrer l’une des université de la prestigieuse Ivy League puissent avoir un espace « sûr » pour ne pas se sentir « attaquées par des points de vue [indésirables] ». Même le Washington Post s’en est moqué. Pour certains catholiques, le catholicisme lui-même est maintenant l’un de ces points de vue.
Dans un futur proche, le véritable défi pour nos évêques sera de gérer des catholiques qui n’ont de catholique que le nom. Les évêques seront accusés de faire fuir les gens. Mais ce n’est pas vrai. Ces catholiques-là sont déjà partis, de leur propre chef. Quand l’Église décide d’être catholique plutôt que de dire amen à tout, ça ne divise pas. Cela montre seulement la vérité des choses.
Note : quaterback n’a pas de traduction française, c’est le nom d’un poste dans une équipe de football américain.
Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing. Il est aussi président de l’institut Foi & Raison de Washington.
Illustration : le théologien amateur et philosophe politique Tom Brady senior.
Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/02/27/pastoral-strategies-news-cycle-age/