« Sanctifier la jeunesse par le chant » - France Catholique
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Chœurs d'enfants : Chanter c'est prier deux fois
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« Sanctifier la jeunesse par le chant »

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Les Petits Chanteurs à la Croix de bois. © Gabrielle .Scherrer - photographe

« Sanctifier la jeunesse par le chant »

« Sanctifier la jeunesse par le chant »

Les Pueri Cantores – chœurs d’enfants – sont en plein renouveau artistique et spirituel et contribuent à un nouvel élan de la musique sacrée en France. Entretien avec l’abbé Guillaume Antoine, aumônier national de la fédération des Pueri Cantores et recteur de l’abbaye de La Lucerne (Manche).
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Qui sont les Pueri Cantores ?

Abbé Guillaume Antoine : Manécanteries, Petits Chanteurs, chœurs, Pueri Cantores, maîtrises… quel que soit le nom choisi, ce sont des chorales de jeunes, à partir de 6 ans, jusqu’à 18 ans environ. Il y en a une grande diversité : certaines sont attachées à une cathédrale ou à une paroisse, pour y servir la liturgie, d’autres à une école… ou encore aux deux.

Comment sont-ils nés ?

Les chœurs d’enfants sont nés dans le sillage des monastères, qui avaient des écoles où le chant grégorien faisait partie des apprentissages. Plus tard, ces écoles se sont développées dans les complexes cathédrales où des jeunes chantaient aussi de belles polyphonies pendant les offices. Mais la Révolution a cassé ce système maîtrisien. En comparaison, en Angleterre, où cette rupture n’a pas eu lieu, les chœurs ont un niveau exceptionnel.

Désireux de promouvoir le renouveau de la grande musique sacrée en France, les Petits Chanteurs à la Croix de Bois ont été fondés en 1906 par deux étudiants dont l’intuition était de recréer ces structures maîtrisiennes. Ils seront repris et développés par l’abbé Maillet à partir de 1924. Dans les années 1920, sous leur influence, de nombreux chœurs naissent, recréant ce tissu de chœurs. Ils sont réunis dans une fédération internationale sous le nom de Pueri Cantores, en 1946. Ce mouvement, reconnu par l’Église, rassemble aujourd’hui 50 000 Petits Chanteurs dans le monde.

Quelle est leur mission ?

Le premier rôle des maîtrises est de glorifier Dieu en magnifiant le mystère eucharistique. Elles sont en quelque sorte la « bande-son » de nos édifices sacrés dont beaucoup, en leur absence, sont malheureusement devenus silencieux. Leur deuxième mission est d’offrir une formation intégrale aux enfants, sur les plans humain, spirituel et musical.

Quels sont les fruits spirituels justement ?

Mettre la beauté sur leurs lèvres et apprendre à vivre en cohérence avec ce qu’ils chantent, agit progressivement sur leurs cœurs car le chant transforme celui qui chante. C’est ce qui est exprimé dans la prière des Pueri Cantores : « Heureux d’être petits chanteurs, nous voulons Seigneur te servir en chantant la gloire de ton Nom […] ; que notre vie reflète ce que nous chantons et témoigne de ta présence parmi les hommes. » Ces chorales sont donc de formidables lieux de sanctification de la jeunesse.

Observez-vous des conversions ?

Oui, en particulier dans les chœurs reliés à une école : ce sont ceux qui recrutent le plus facilement, et ceux où il y a le plus de conversions car beaucoup d’élèves y viennent pour la musique et découvrent alors la foi et la liturgie. L’aube blanche, que portent les Petits Chanteurs pour chanter, qui symbolise la robe baptismale, est l’occasion pour l’aumônier de parler du sacrement de baptême aux enfants qui ne sont pas baptisés. C’est très beau et fécond, il y a beaucoup de demandes de baptême. Ces maîtrises sont donc un acteur de l’évangélisation de l’enfance, au même titre que les patronages et le scoutisme.

Quel est le rôle de l’aumônier ?

Chaque chorale a son aumônier, qui est attentif, en lien avec le chef de chœur, à accompagner la croissance de la vie de la grâce dans l’âme de chaque enfant. Son rôle est aussi de les aider à saisir la grandeur de leur vocation de chrétien, à travers la musique, et de les éduquer à la compréhension de la liturgie. Chanter la louange de Dieu, c’est toute la vie du baptisé : en chantant la liturgie dans le sanctuaire, revêtus de l’aube blanche, ils quittent le monde profane et deviennent l’Église épouse qui va s’adresser au Christ époux. Quand ils chantent, ils sont saisis par la beauté, qui permet une expérience de Dieu, un peu comme sur un mont Thabor. Ils accomplissent quelque chose qui les dépasse. Il faut les aider à unifier leur vie pour vivre toute cette beauté en cohérence avec leur vie quotidienne. Le prêtre les aide à faire le lien entre le chant, la liturgie et leur vie.

Quels sont les fruits sur le plan éducatif ?

Produire une telle beauté suppose beaucoup de travail. Écouter, être rigoureux, apprendre la vie commune, fondre sa voix au milieu de celle des autres, accepter humblement de ne pas être choisi comme soliste… Il y a beaucoup de vertus éducatives associées au chœur. En outre, l’année liturgique s’écoulant, les chœurs qui chantent les messes et les offices doivent se former en permanence pour être prêts, car il y a un grand répertoire de la musique sacrée pour chaque temps liturgique. C’est exigeant mais, à ces âges-là, ils ont une énorme capacité de mémorisation.

Ces chorales ont-elles une vocation missionnaire ?

Dans leur prière, les Pueri Cantores disent : « Que notre chant soit un appel pour ceux qui te cherchent ou t’ont oublié. […] Fais de nous, Seigneur, des artisans de paix. » Et leur blason porte cinq croix, représentant les plaies du Christ, et une grande croix signifiant la plaie de son Cœur. C’est vraiment jusqu’au Cœur du Christ que nous voulons conduire les gens par la musique sacrée… Voilà pourquoi l’abbé Maillet considérait qu’ils avaient pour mission de porter la paix de Dieu dans les cœurs. Le chant de ces enfants distille une paix surnaturelle, en particulier dans les cœurs blessés, si nombreux à notre époque, notamment dans les familles déchirées… Beaucoup de manécanteries font des tournées de concerts, ce qui permet de porter la musique sacrée hors de la liturgie et de rejoindre le grand public. Cette musique peut être une passerelle vers le Mystère.

Y a-t-il un renouveau de ces chorales ?

Au sein de la fédération, nous observons et accompagnons partout la naissance de nouvelles maîtrises, en particulier dans les cathédrales. Nous souhaitons voir le maillage de maîtrises d’enfants se retisser sur toute la France. Nous voulons aussi lancer une école des chefs, pour encadrer ces chœurs : c’est un besoin urgent. Le chœur fondateur des Petits Chanteurs à la Croix de Bois s’est lui-même profondément rénové depuis quelques années, avec la présence très régulière d’un aumônier en son sein et une ardente vie spirituelle et missionnaire. Il a une influence très positive sur les autres chœurs.

Comment favorisez-vous l’éclosion de chorales ?

Nous encourageons toutes les écoles ayant les effectifs suffisants, et toutes les paroisses ayant le réseau de jeunesse nécessaire, à créer leur propre maîtrise, pour le bien de ces enfants, des familles, et pour le rayonnement de la paroisse ou de l’école elles-mêmes. Nous aimerions aussi que les patronages ouvrent des chœurs, pour toucher les familles non croyantes qui y inscrivent leurs enfants.

Par ailleurs, nous voulons aussi intégrer dans la fédération les chœurs qui n’y sont pas encore, pour qu’ils rejoignent la grande famille des Pueri Cantores et les encourager à développer la dimension spirituelle. Nous organisons pour cela de grands congrès internationaux, qui sont de vrais pèlerinages. Le prochain sera à Lourdes, en 2026.

Constatez-vous une évolution plus large du chant dans la liturgie ?

Ce renouveau des chœurs d’enfants est un signal du désir de plus en plus fort de relever le niveau musical et la beauté du chant liturgique. Après les cantiques « jetables », qui suivent les codes de la musique du monde, il faut revenir à la musique qui ne se démode pas… Le grégorien en est l’exemple absolu : il est inusable depuis le VIIIe siècle ! Mais il faut continuer de créer des chants sacrés de qualité.

Dans la continuité de ces chorales d’enfants, il y a aussi un mouvement qui se produit avec les chœurs d’étudiants et jeunes professionnels. Toutes les aumôneries d’étudiants, qui chantaient des chants liturgiques pas très élaborés, se mettent maintenant au grand répertoire sacré : Victoria, Allegri… et de grands compositeurs actuels. Mais également au grégorien. Le niveau de ces chœurs est donc, lui aussi, en train de monter, c’est très enthousiasmant ! Par ailleurs, cela va créer une pépinière de chefs pour les chœurs d’enfants. L’évolution est très rapide et nous allons créer avec eux bientôt également une fédération de chœurs d’étudiants et jeunes pro. Elle sera portée par Ecclesia Cantic, qui est l’association qui organise chaque année un grand rassemblement de chorales de jeunes.

Comment expliquer ce retour du grégorien ?

Ce chant est notre patrimoine à tous : lorsqu’on chante en grégorien, on chante la messe, avec les chants propres prévus par l’Église pour chaque messe, tandis qu’avec les cantiques, on chante pendant la messe. Par ailleurs, le grégorien est universel, donc il peut être chanté par les croyants du monde entier. C’est le patrimoine musical mondial le plus ancien de l’humanité : il a été créé au VIIIe siècle pour les plus anciennes pièces, c’est incroyable ! Il y a urgence à se le réapproprier, y compris dans les chœurs des paroisses qui célèbrent la messe en français. Il faut le démystifier, c’est un chant très naturel qui épouse les rythmes de la nature : chant des oiseaux, rythme des vagues… Il a aussi un grand potentiel missionnaire car c’est un chant dont on ressent directement qu’il est pour Dieu.

Concert du chœur national des Pueri Cantores avec les 40 meilleurs Petits Chanteurs des chorales françaises. Le 29 août, salle Gaveau, à Paris.
Réservation : puericantoresfrance.com