Saint Benoit-Joseph Labre : le vagabond de Dieu - France Catholique
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L'incroyable histoire des chrétiens du Japon
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Saint Benoit-Joseph Labre : le vagabond de Dieu

C’est l’un des saints les plus lumineux mais aussi les plus étonnants de notre histoire. La route terrestre de ce mendiant et pèlerin s’acheva à Rome, sur les marches de l’église Sainte-Marie-des-Monts.
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Gisant de saint Benoît-Joseph Labre, église Sainte-Marie-des-Monts, Rome

Gisant de saint Benoît-Joseph Labre, église Sainte-Marie-des-Monts, Rome

© pareloup – cc by-sa 4.0

Dans la petite église de Santa Maria in Aquiro, à Rome, se trouve, dans la dernière chapelle latérale droite, un grand tableau représentant un mendiant agenouillé devant un banc de communion. Si l’on est attentif, on reconnaît devant soi la même chapelle et le banc de communion : il nous est offert de prier au même endroit que ce saint – Benoît-Joseph Labre. Mais qui était-il, ce pauvre pèlerin que l’on surnomma « le Vagabond de Dieu » ?

Précocité spirituelle

Benoît-Joseph portait dès son enfance les marques d’une miraculeuse pré- disposition à la grâce. Il est né en 1748 à Amettes, une petite ville du diocèse d’Arras, dans une famille de paysans. Très jeune il passe des heures en adoration devant le Saint-Sacrement. Sa maturité spirituelle et sa piété semblent le destiner au sacerdoce : il est envoyé chez son oncle et parrain, curé d’Érin, pour parfaire son éducation. Mais le typhus frappe la paroisse en 1766. Le jeune homme et son oncle portent secours aux malades sans mesurer leurs forces, mais le curé contracte le mal et meurt. Voilà Benoît-Joseph contraint de rentrer à Amettes, avant d’entamer – bien malgré lui ! – sa grande pérégrination.

Il se croit d’abord destiné à la Trappe. Puis se décide, après un an de discernement, à frapper à la porte des chartreux – d’abord ceux de Val-Sainte-Aldegonde, dans le diocèse de Saint Omer. Faute de moyens, ils ne peuvent le recevoir comme novice. Benoît-Joseph postule alors à l’abbaye de Neuville où, après un premier refus, il est reçu comme postulant… mais presque aussitôt renvoyé, le prieur n’ayant discerné chez lui aucune vocation.

La confiance chevillée à l’âme, le jeune homme continue ses allers et retours entre les monastères trappistes et chartreux, sans plus de succès. C’est après un nouveau refus de l’abbaye de Sept-Fons, dans le diocèse d’Autun, qu’il abandonne l’idée d’entrer en religion, l’âme façonnée par ce long Gethsémani. Fiat voluntas tua !

Dieu lui rend le cœur d’enfant qu’il lui fallait pour accomplir son étonnante vocation, celle d’un pèlerin sans retour, qui suit son Père sans se demander où celui-ci le mène. « Laissez venir à moi les petits enfants. »

Commence alors sa vie d’itinérance. Benoît-Joseph arrive à Rome en décembre 1770, puis à Saint-Jacques-de-Compostelle en 1773, et retourne alors à Rome. Il s’élance ensuite vers la Suisse, et de nombreux sanctuaires en Italie.

Pauvre au service des pauvres

Sa préoccupation le pousse vers les délaissés, les méprisés, les pécheurs. Il ne vit que de ce qu’on lui donne, ne mendie pas, et redonne la meilleure part aux pauvres. Un jour qu’il passe à côté d’une prison, on le surprend chantant les litanies de la Vierge dans un soupirail. Moqué ou maltraité par les enfants et les autres pèlerins, il bénit ceux qui le persécutent. S’inflige des jeûnes rigoureux. Choisit, par mortification, de ne pas se laver.

Pauvre parmi les pauvres, il est vêtu de sa vieille bure à moitié en haillons, d’un chapeau de feutre, portant seulement sa gourde, son bâton de pèlerin et une sacoche où il a mis son bréviaire, les Évangiles et l’Imitation de Jésus-Christ.

Pas de grands événements sur son passage. Dans la vie de ce séraphique pèlerin, le surnaturel surgit de sa capacité à donner ce qu’il n’a pas. Des moqueries et des coups, il ne tire que bénédictions et douceur. Au mépris, il répond par l’amour. « Ô merveille, qu’on puisse ainsi faire présent de ce qu’on ne possède pas soi-même, ô doux miracle de nos mains vides ! » (Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne) .

« È morto il santo ! »

Alors que tant avaient reconnu son éminente sainteté, il fallut, pour imiter plus parfaitement son Sauveur, qu’il mourût seul et délaissé. En 1777, Benoît-Joseph s’installe à Rome qu’il ne quitte plus, sauf pour se rendre à Lorette qu’il visite onze fois durant sa vie de pèlerin. Il demeure six ans dans les ruines du Colisée, avant d’accepter d’être accueilli à l’hospice de Saint-Martin-aux-Monts. À la fin du carême de 1783, il est épuisé mais n’abandonne pas ses mortifications. On raconte qu’il but du vinaigre, voulant imiter le Christ sur la Croix. Le 16 avril, Mercredi saint, le pèlerin se rend péniblement à Sainte-Marie-des-Monts. Il entend deux messes puis reste en adoration quelque temps. À la sortie, il s’effondre sur les marches.

Un de ses amis, le boucher Zaccarelli, le porte jusqu’à son foyer où il meurt après avoir reçu l’extrême-onction. Il a 35 ans. La nouvelle se répand dans Rome au cri des enfants : « È morto il santo ! » Sa dépouille est exposée à Sainte-Marie-des-Monts où les habitants de Rome affluent, si nombreux qu’il est impossible d’y célébrer la liturgie pascale et que le pape doit intervenir. Le « Vagabond de Dieu » est enterré dans l’église. Il repose dans le transept gauche, sous un beau gisant de pierre. Il sera canonisé en 1881 par Léon XIII.