S’endimancher - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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S’endimancher

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C’est dimanche en la fête de saint François de Sales : donc la messe à dix heures trente… Comme toujours je tarde à me préparer, ne serait-ce que pour prendre le temps de lire les textes de l’office, et je finis par devoir à me précipiter pour n’être pas en retard…

J’ai gardé de ma jeunesse l’habitude heureuse de m’endimancher : j’aimais de voir les uns et les autres paraître si différents de ce qu’ils étaient en semaine… Chapeau, manteau sobre l’hiver, costume trois pièces, cravate, gants de cuir fauve, chaussures noires et brillantes, chaussettes assorties pour les hommes, bien portant comme on disait alors (peu nombreux ces maris, les autres allaient au bistrot des bords du Saleys), sauf les pauvres, humbles de vêture mais impeccables ; chez les femmes, manteau et chapeau inspirés de la mode parisienne, comme le reste d’ailleurs : mantille, gants de cuir parfois noirs, parfois simples mouffles, maquillage et rouge à lèvres, robe venue d’un atelier de couturière de bonne réputation, bas en nylon, d’introduction récente, enfin chaussures hautes de talon cliquetant sur l’asphalte des trottoirs… Ne pas oublier le missel vespéral romain de Dom Gaspar Lefebvre chastement porté de la main gauche… Là encore mélange chrétien des plus ou moins riches et des plus ou moins pauvres ; même si se concevait que les sourires des premiers allaient plutôt vers des relations de même niveau. Cependant maintes dames patronnesses avaient « leurs » pauvres…

Aux premiers rangs, nous autres les enfants. Je faisais naturellement parti de ce clan, et ma vêture était à la fois des plus simple comme impeccable. Petite Reine y veillait et passait la revue avant le départ vers l’église Saint-Vincent. Dire que je me fichais royalement de la pauvreté de mon costume est une évidence : j’ai quitté Salies-de-Béarn à onze ans juste révolus. Encore aujourd’hui ma femme me surveille car elle me trouve trop laxiste sur ce point…

Donc je reste farouchement en faveur de l’endimanchement, surtout que j’ai pu constater, d’année en année, le laisser-aller croissant des tenues des paroissiens. Entre la semaine et le dimanche presque rien de changé pour la plupart. Les hommes portent le plus souvent de ces affreux pantalons autrefois réservés aux ouvriers parce que la toile fabriquée en « de Nîmes » 1 – d’où « djinn », soit « jeans », par révérencieuse admiration pour tout ce qui vient de là-bas et plus tard « de Gêne », avant d’être aux Etats-Unis le vêtement des « garçons-vachers » – était une tissu fort résistant, parce qu’épais, rétif aux plis qui font l’élégance du pantalon normal. Cette toile était donc tissée pour résister à tout, même aux travaux les plus rudes.… On voit des apparences strictement hideuses chez certains : des jambes particulièrement froissées, des fonds de pantalon affaissés jusqu’aux genoux, de ces djinns tellement serrées autour du corps qu’on se demande s’il s’agit d’une peau nue mais bleue… Cela surtout chez les femmes, qui tiennent sans doute à ce qu’on n’ignore rien de leur anatomie. Chez elles on trouve de tout mais surtout bien du laisser-aller et parfois peu de pudeur, surtout chez les plus jeunes. Tout de même, se découvrent des exceptions qui font plaisir à voir.

Souvent je me dis : « Les paroissiens, s’ils étaient invités chez un nabab, quel costume se choisiraient-ils ? Je suis sûr qu’ils mettraient même une cravate. Pas question de jouer à l’élégantissime, au riche homme, certes, mais vient à nous au cours de la messe le Roi des Rois. Un minimum de tenue me paraît nécessaire. Cela demande un certain effort, mais qui le refuserait pour se rendre à l’invitation de relations de travail très BCBG ?

  1. Le denim, contraction de « de Nîmes » est une toile de coton à armure de serge. C’est le tissu utilisé notamment pour la confection des « jeans ». Étrange mot dont la prononciation est aléatoire…