Le Parlement roumain entérinera-t-il le projet de loi spoliant l’Eglise gréco-catholique ou profit de l’Église orthodoxe « majoritaire » au mépris du droit européen ?
La Transylvanie, province occidentale de la Roumanie, compte beaucoup de chrétiens de rite byzantin qui ont fait leur union avec Rome au tout début du XVIIIe siècle. Au sein de l’Empire austro-hongrois, ils ont fortement défendu leur culture roumaine jusqu’à leur rattachement à la Roumanie après la première Guerre mondiale. Dans ce nouveau pays très orthodoxe, leurs relations avec l’Église orthodoxe ont toujours été délicates. Au lendemain de la seconde Guerre mondiale, après la prise du pouvoir par les communistes, les gréco-catholiques furent rattachés de force à l’Église orthodoxe à qui leurs biens furent généralement dévolus malgré les protestations des évêques qui furent tous jetés en prison, la plupart y moururent. On compte aussi un prêtre parisien, prince d’origine roumaine, Mgr Ghika parmi les victimes de cette époque terrible. Son procès de canonisation est en cours.
À la chute du communisme, contrairement à ce qui s’est passé dans beaucoup d’autres pays, les biens de l’Église gréco-catholique ne lui ont pas été restitués. Au contraire, nous avons assisté à toutes sortes de mesquineries de la part des orthodoxes. Mais il y eut de splendides exceptions. Lors des négociations pour l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne, la question de la liberté religieuse et celle de la restitution des biens ont figuré au nombre des conditions d’acceptation de la candidature. On pensait que ce problème de dévolution des propriétés avait trouvé sa solution. En même temps, les autorités gréco- catholiques mettaient la pédale douce : plutôt que de continuer de revendiquer auprès des autorités orthodoxes, elles entreprirent, parfois avec l’aide d’agences comme l’Œuvre d’Orient, la construction d’églises petites là où il avait existé une paroisse gréco-catholique.
Or un projet de loi déjà ancien resurgit aux termes duquel, dans tous les villages où existent les deux confessions, orthodoxe et gréco-catholique, l’église, le cimetière, le presbytère et les autres propriétés immobilières (champs et forêts) qui appartenaient à l’Église Roumaine unie à Rome, gréco-catholique jusqu’en 1948, resteraient définitivement la propriété du culte orthodoxe au titre de la norme du culte majoritaire ! Si ce projet de loi était approuvé par le Parlement, cela reviendrait à dire que l’actuel gouvernement se comporte comme au temps des communistes. Il faut noter que, jusqu’ici, sur plus de 2000 églises gréco-catholiques confisquées en 1948, seules 192 ont été rendues à l’Église gréco-catholique. Est-ce l’entérinement d’une grave injustice ? Ou le mépris des principes du droit européen consacré par la déclaration européenne des droits de l’homme ?
Mgr Philippe BRIZARD
directeur général de l’Œuvre d’Orient