« Retrouver des rites de passage » - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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« Retrouver des rites de passage »

En évacuant la figure virile et paternelle, la société s’est profondément fragilisée. Dans son dernier livre, La voie de l’homme (Artège), l’abbé Philippe de Maistre ouvre des perspectives pour sortir de l’impasse.
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« En confortant son fils, il lui permet de s’engager. C’est une chaîne de transmission. »

« En confortant son fils, il lui permet de s’engager. C’est une chaîne de transmission. »

© brfcs – Pixabay

Votre réflexion accorde beaucoup d’importance aux rêves de l’enfance, qui se retrouvent chez « l’homme de cœur »…

Abbé Philippe de Maistre : L’homme de cœur  – « Rodrigue, as-tu du cœur ? », dit Don Diègue à son fils, dans Le Cid de Corneille –, c’est celui qui a de la vaillance, qui possède la vertu de magnanimité, une grandeur d’âme. Or cela se construit, chez le petit garçon, à travers ses rêves de héros et de grandes figures, qu’il a besoin d’admirer. Elles vont le façonner et lui permettre de rêver et de jouer sa vie, avant de la vivre, avant de se confronter au réel et d’entrer dans la maturité.

C’est ce que Baden Powell, le fondateur du scoutisme, avait bien compris : à travers le jeu, l’enfant entre dans un rôle de héros, pour se conforter dans ce qu’il est, afin de pouvoir ensuite se donner. Mais notre société a fait disparaître les mythes et le rêve, en les remplissant par Netflix, les smartphones, les réseaux sociaux… Le monde de l’image et de la communication, ce voleur de rêves, a tué l’imaginaire.

Quelles sont les conséquences de cette disparition du rêve ?

Le grand courage de l’homme est de se confronter à ses rêves d’enfant et de les intégrer. Malheureusement, la privation de leur imaginaire, dès l’enfance, enferme beaucoup d’hommes dans une immaturité qui les conduit à vivre une sorte de regret inconscient. À travers la fameuse crise de la cinquantaine, c’est ce petit enfant que j’étais qui me juge et me demande : « As-tu été fidèle aux rêves de ton enfance, ou es-tu devenu une machine au service de la société de consommation, alors que tes rêves te disaient comment imprimer ta marque sur le monde ? »

Quel est le propre de la masculinité ?

L’homme a besoin d’être conforté dans son identité masculine, au moment du passage de l’adolescence. C’est la raison pour laquelle toutes les sociétés traditionnelles ont organisé la vie sociale autour des rites de passage, permettant aux garçons de passer de l’enfance à l’âge d’homme : dans les sociétés africaines, inuit, asiatiques, ou encore dans la culture juive, où la bar-mitzvah marque l’entrée du garçon dans la vie publique. Le problème, c’est que ces rites de passage ont disparu dans notre société occidentale.

L’Église a-t-elle aussi ses rites ?

L’Église s’est toujours confrontée à la force masculine, pour la conforter et la surnaturaliser, par exemple avec les ordres masculins, comme les jésuites, ou avec la chevalerie, qui était très profondément chrétienne, puisqu’elle apprenait aux hommes à mettre leur force au service de l’amour, et la bénissait, au lieu de la condamner. Le scoutisme aussi est une très belle école pour apprendre aux garçons à utiliser leur force. Sans oublier les patronages, qui les aident à développer leurs talents masculins spécifiques, afin de les mettre au service de la société et de l’Église. Malgré le renouveau de ces derniers, depuis une cinquantaine d’années, on peut se demander si l’Église n’a pas renoncé à éduquer les garçons pour les aider à devenir des hommes. La « pastorale des jeunes », qu’on voit fleurir dans toutes les paroisses, pose une question : qui sont les jeunes ? Les 17-30 ans et plus, comme on le voit souvent ? Non, ce sont les adolescents qu’il faut aider à devenir adultes, sinon on les enferme dans un no man’s land qui tend à s’étirer dans le temps, et devient une éternelle adolescence…

Retrouvez l’intégralité de l’entretien dans le magazine.