■ Quelles sont les forces en présence désormais ?
Tugdual Derville : Ce qui s’est passé cet été donne le ton. Les universités d’été se sont succédé un peu partout en France, parfois simultanément : elles ont fait le plein. à Valpré, près de Lyon, celle d’Alliance VITA a ressemblé près de 400 adultes (contre 170 il y a deux ans…) sur le thème « VITA dans le dynamisme du mouvement social », pendant qu’une autre université d’été se tenait à la Sainte-Baume dans le Var.
J’ai aussi participé à des sessions réservées aux jeunes générations : celle d’Acteurs d’Avenir, magnifique, et la première master class pour les 18-25 ans organisée par VITA. Tous les intervenants ont constaté une soif de ressourcement, de formation et d’action prometteuse. C’est le signe d’un désir de s’engager dans la durée.
Même chose du côté des Veilleurs : ils ont enraciné leur mouvement dans une marche initiatique. Elle a surmonté l’épreuve du feu en faisant preuve d’une sage et tenace non-violence, là où des opposants se montraient agressifs et haineux. L’ex-mouvement des « Veilleurs debout » est devenu « Sentinelles ». Tout cela incarne à la fois un esprit de résistance intérieure et de reconstruction paisible. À court terme, VITA a du pain sur la planche avec les débats à prévoir sur l’euthanasie, le gender, la bioéthique, etc.
■ La Manif pour tous peut-elle survivre à « l’après-Frigide » ?
Le grand rendez-vous de la Manif pour tous de la rentrée est le week-end des 14 et 15 septembre. La diversité des mouvements et personnalités qui s’annoncent est à l’image de l’effervescence de l’été : profondeur, réflexion, engagement. Il faut bien sûr que la Manif pour tous redessine ses objectifs pour cette nouvelle rentrée, et j’y participe aux côtés des autres porte-parole et de Ludovine de La Rochère.En ce qui concerne Frigide, j’ai salué à maintes reprises son apport à notre mouvement social, en terme d’unité, de diversité, d’audace, de créativité et de ténacité. L’essentiel est que nous soyons fidèles à ces valeurs.
■ Sans elle, l’unité n’est-elle pas écornée ?
Qu’il y ait des divergences de ligne ou de leadership ne doit pas occulter l’essentiel. Tous les mouvements qui se sont mis à travailler ensemble continuent de le faire… Attention au tropisme médiatique qui piège par le détail.
J’utiliserai un exemple : les accrochages en marge de nos manifs ne doivent pas nous faire oublier qu’elles ont été, au contraire, paisibles, de façon exemplaire… De même des voix discordantes, même médiatisées, ne doivent pas casser notre bel élan unitaire.
■ Pourtant, celle qui fut la figure de proue se dit exclue.
En réalité, qu’on ait tenu ainsi jusqu’au dimanche 26 mai (ou presque), c’était déjà un acquis extraordinaire. Le fruit d’efforts patients de nombreuses personnes restées discrètes. On ne rend pas service en personnalisant à outrance un mouvement. C’est le jeu des médias, qui raffolent des tournois de nombrils… Je voudrais juste dire à ceux qui prennent parti en faisant foi à telle ou telle déclaration, qu’ils n’ont visiblement pas tous les éléments de notre histoire en main. Elle fut belle, mais aussi chaotique : c’est la règle entre êtres humains. Mais celui qui crie le plus fort n’est pas toujours le plus innocent.
■ Et l’Écologie humaine dans tout ça ?
Nous avons eu une session de travail fin août réunissant autour des trois co-initiateurs (Pierre-Yves Gomez, Gilles Hériard-Dubreuil et moi-même) soixante-dix personnes de tous horizons.
Notre projet est à la fois extrêmement humble (partant du terrain, de l’humus, de l’énergie personnelle de chacun) et d’une ambition démesurée puisqu’il s’agit de construire ni plus ni moins un changement en profondeur de la société. Pour le respect intégral de toute l’humanité.
Ce changement doit être personnel d’abord, culturel ensuite et politique à terme. Des cellules de travail multidisciplinaires sont en train d’émerger, sur des thèmes variés. C’est un grand commencement… Là aussi, le maître mot est effervescence. n