Pierre de Bérulle, fondateur de l’Oratoire, visiteur des Carmels français, initiateur de ce qu’on a appelé, depuis Bremond, « l’Ecole française de spiritualité », et de surcroît cardinal de la Sainte Eglise, n’a pas forcément bonne presse dans l’Eglise post conciliaire. Pour tenter de le montrer sous un nouveau jour et de le sauver de son apparent discrédit, le P. Rémi Lescot, oratorien lui-même, a tenté un audacieux lifting, dont le lecteur appréciera la pertinence.
Bérulle, en mettant au centre de sa pensée (et pas seulement de sa dévotion) le mystère de l’Homme-Dieu, a marqué une « révolution copernicienne », comme le dit l’auteur, qui a obligé à un remaniement des concepts traditionnels de la théologie. Mais, s’il est incontestablement audacieux et novateur, il reste solidement attaché au cadre doctrinal que lui donne l’Eglise et sa dépendance à l’égard des Pères de l’Eglise (notamment Denys l’Aréopagite et dans un autre registre Augustin) n’est plus à démontrer. Son accueil de la modernité en matière scientifique ne va sans doute pas très loin, plus réelle est la place qu’il fait à l’analyse psychologique tant en honneur en ce « siècle des âmes », qui lui permet de reformuler des vérités métaphysiques en termes existentiels (c’est sans doute le secret et la limite du fameux Vœu de servitude).
Entraîné par son enthousiasme, l’A. attribue à Bérulle une paternité qui l’aurait sans doute bien surpris et en fait le précurseur de courants contemporains (comme la théologie de la mort de Dieu, p.74 !). Il est alors plus question, dans ce Bérulle relooké, de promotion du laïcat que de sainteté sacerdotale, et d’ouverture au monde que d’adoration. ..
On retiendra une utile chronologie de la vie du grand oratorien. Mais la bibliographie reste un peu sommaire. Des négligences comme celle-ci, particulièrement voyante : saint Augustin se voit affubler du titre d’évêque de Carthage (p.31).
