« Redécouvrons le sens chrétien de l’Histoire ! » - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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« Redécouvrons le sens chrétien de l’Histoire ! »

Otage des ambitions politiques, l’enseignement de l’histoire ne permet pas aux jeunes d’envisager sereinement l’avenir. Ambroise Tournyol du Clos est agrégé d’histoire, auteur de Rien n’échappe à l’histoire (éd. Salvator).
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Christ en gloire, Thessalonique. « Loin de susciter la crainte, la perspective de la Parousie, le retour du Christ en gloire, a été pour l’Occident chrétien une source d’espérance profonde. »

Christ en gloire, Thessalonique. « Loin de susciter la crainte, la perspective de la Parousie, le retour du Christ en gloire, a été pour l’Occident chrétien une source d’espérance profonde. »

© Julian Kumar / Godong

L’histoire semble devenue un champ de bataille. Comment est-elle enseignée aujourd’hui ?

Ambroise Tournyol du Clos : L’Éducation nationale nous rappelle que l’objectif de l’enseignement de l’histoire est d’abord « civique ». Or, donner un objectif politique à une démarche intellectuelle, c’est prendre le risque de la tordre ! La conséquence est le rétrécissement du champ d’étude : les cours d’histoire mettent principalement en scène l’âge démocratique et les conquêtes républicaines, c’est-à-dire l’histoire de France à partir du XVIIIe siècle.

En réaction, on entend parfois qu’il faudrait revenir au « roman national »

Le roman national a sa place dans la construction des intelligences historiques : en primaire, on aurait beaucoup à gagner en l’enseignant, car il a une capacité à mettre en scène, à travers batailles et grands hommes, l’Histoire. Il opère également le lien entre histoire et responsabilité sociale : le roman national a quand même nourri beaucoup de grands hommes, et leur a donné le désir de marcher dans les pas de ceux qui les avaient précédés. Mais le défendre reviendrait de nouveau à indexer l’historien à une volonté politique, ce que je déplore. L’histoire doit pourtant retrouver le sens du récit. Celui-ci n’est pas une ornementation littéraire, mais un mode de compréhension des scénarios historiques. Or, dans notre rapport scolaire à l’histoire, nous avons trop privilégié l’approche par des documents, des structures, délaissant les grandes figures. Le résultat est que nos élèves ne savent pas qui sont Henri IV, Louis XIV, le chevalier Bayard… Nous faisons face à une désincarnation de l’histoire.

Quel sens de l’histoire doit-il être transmis aux élèves ?

C’est la question fondamentale. Aujourd’hui, l’enseignement de l’histoire insiste beaucoup trop sur deux choses. D’abord, sur la dimension destructrice de l’histoire, « l’histoire avec sa grande hache » comme disait Georges Pérec ! Nos élèves ont été surinformés des horreurs du XXe siècle et nous oublions que les adolescents ont à construire le monde. Il est coupable de ne pas proposer une histoire qui montre que l’esprit humain n’est pas appliqué qu’à détruire, mais à élaborer.

Ensuite, il leur est appris que le sens de l’histoire, depuis la Révolution des droits de l’homme, c’est l’extension des droits : à chaque fois qu’on fait de l’histoire politique ou sociale, l’élargissement des droits est forcément un bien moral. Au-delà de la faute morale à suivre ce schéma-là, il y a une faute disciplinaire et professionnelle : nous relisons le passé avec notre schéma de valeurs qui sera dépassé par ceux qui viendront après nous ! Sans tomber dans le passéisme ou l’adoration des siècles passés, gardons en tête que l’histoire peut être, comme disait Cicéron, « maîtresse de vie ». Elle regorge de modèles de choix politiques, moraux, de civilisations qui peuvent nous édifier et nous pousser à investir l’époque actuelle.

Y a-t-il un sens chrétien de l’histoire ?

Notre rapport à l’histoire a connu avec l’Incarnation un événement capital. Si Dieu est l’auteur du temps, il s’est aussi soumis à l’épreuve du temps et à sa conséquence la plus flagrante, la mort. À travers le Christ, qui s’anéantit le Vendredi saint, avant de triompher le dimanche de Pâques, une brèche vient s’ouvrir dans le temps. Celui-ci n’est plus, comme le pensaient les Grecs, le pur chronos, roue fatale et mécanique dont il faudrait déjouer le sort.

Pour s’en garantir, comme l’a bien montré l’historien du temps François Hartog, les Grecs avaient élaboré une ruse, démultipliant leur conception du temps sous trois concepts différents : le chronos, temps mécanique et inéluctable, le kaïros, temps opportun saisi par l’homme lucide et attentif aux événements, et la krisis, temps de la décision à même de trancher le nœud gordien des situations complexes. Avec son art caractéristique de la synthèse, le christianisme a hérité des concepts grecs mais il leur a donné une dimension nouvelle.

Retrouvez l’entretien complet dans le magazine.