La mort nous fait peur. Inutile de se le cacher, mais ce n’est pas une raison pour faire adopter une loi à marche forcée avant l’été 2026, comme vient de l’annoncer le gouvernement, afin de se donner l’illusion que l’on peut maîtriser l’heure de sa propre mort en abrégeant la vie pour éviter la souffrance. « Plutôt souffrir que mourir, c’est la devise des hommes », énonçait à l’inverse Jean de La Fontaine dans La Mort et le Bûcheron. La mort ne fait pas partie du plan de Dieu, et elle reste un scandale, mais la grandeur de la civilisation chrétienne a été justement de tout faire pour apprivoiser la mort, pour enseigner comment s’acclimater à cette idée vertigineuse. C’est ainsi que jusqu’à une époque récente, on mettait des tentures noires sur les immeubles en deuil, pour associer l’ensemble de la société ou du village à la mort d’un proche. Alors qu’aujourd’hui, on cherche plutôt à privatiser la mort, à ne plus la nommer – on dit qu’« il est parti »… –, voire à la cacher. Même dans l’Église, la couleur noire de nos liturgies d’obsèques est passée au violet – qui est plutôt la couleur de la pénitence –, pour ne pas effrayer sans doute.
Sus aux citrouilles !
Sauf qu’à force d’atténuer l’enjeu de la mort, qui est d’être une porte d’entrée vers l’au-delà, la fête païenne
d’Halloween, elle, avec la laideur de ses toiles d’araignée, de ses citrouilles et de ses squelettes, gagne chaque année du terrain dans les devantures.
Pour reconquérir le terrain perdu, rien de tel que de regarder mourir les saints, car, comme le disait le saint Curé d’Ars, « les saints n’ont pas tous bien commencé, mais ils ont tous bien fini ». Que nous apprennent-ils sur cet art de mourir ? D’abord que le temps de l’agonie n’est pas à prendre à la légère, et surtout pas à abréger ! Ainsi d’Élisabeth de la Trinité, qui disait combien elle était impressionnée par ce passage du temps à l’éternité, même pour de saintes âmes : « Comme l’heure à laquelle je me trouve est solennelle ! J’éprouve un sentiment indéfinissable, quelque chose de la justice, de la sainteté de Dieu. » Sentiment confirmé par sainte Jeanne de Chantal : « Je vous assure que les jugements de Dieu sont terribles », affirmait-elle. Avec aussi parfois un rude combat décrit par sainte Thérèse de Lisieux, qui fit héroïquement à la fin de sa vie le pas de la confiance en la miséricorde divine : « Je crois avoir fait plus d’actes de foi depuis un an que pendant toute ma vie. À chaque nouvelle occasion de combat, lorsque mon ennemi vient me provoquer, je me conduis en brave, sachant que c’est une lâcheté de se battre en duel, je tourne le dos à mon adversaire sans daigner le regarder en face ; mais je cours vers mon Jésus, je Lui dis être prête à verser jusqu’à la dernière goutte de mon sang pour confesser qu’il y a un Ciel. »
Ce combat de la nature aux abois, sainte Thérèse de Lisieux l’a offert pour « ouvrir l’éternité aux pauvres incrédules ». C’est le grand mystère de la communion des saints, qui fait le lien entre la Toussaint et la Commémoration des fidèles défunts, qui se suivent dans le calendrier. En ces jours, l’Église militante – nous – et l’Église triomphante au Ciel – les saints – s’unissent afin d’intercéder pour l’Église souffrante – les âmes du Purgatoire. « Comme il faut porter les agonisants à la confiance ! », recommandait sainte Élisabeth de la Trinité. Telle est la grandeur d’une civilisation chrétienne.





