Le 30 avril, au cours de sa traditionnelle conférence de presse « aérienne » au retour de son voyage apostolique en Hongrie, le pape François, abordant le sujet de la paix dans l’est de l’Europe, glissait aux journalistes : « Une mission est en cours, mais elle n’est pas encore publique. Voyons comment… Quand elle sera publique, je le dirai. » Refusant de donner plus de détails, il ajoutait seulement : « Je suis prêt à faire tout ce qui doit être fait. »
Initiatives de paix
François avait-il à l’esprit une possible entremise du Premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui se garde de critiquer la Russie, ou d’Hilarion Alfeïev, métropolite de Budapest et de Hongrie, ancien ministre des Affaires étrangères et « bras droit » du patriarche Cyrille de Moscou et de toutes les Russies, représentant de la frange modérée de l’Église orthodoxe russe ? Il venait de rencontrer chacun en tête-à-tête. Voit-il en eux des canaux de communication avec Moscou, permettant de concrétiser sa rencontre avec Vladimir Poutine, qu’il appelle de ses vœux ? Le 11 mai, il a remis une nouvelle lettre à l’ambassadeur russe près le Saint-Siège, Alexandre Avdeïev – initiative dont on ignore encore le résultat.
Dans un geste sans précédent, le pape s’était déjà déplacé en personne à l’ambassade russe près le Saint-Siège au lendemain du déclenchement des hostilités : « Si le président de la Russie me donnait une petite fenêtre, j’irais là-bas pour servir la cause de la paix », continue inlassablement à dire celui qui a reçu à trois reprises Poutine au Vatican. Faisait-il simplement allusion à la demande d’intermédiaire que lui a adressée le Premier ministre ukrainien, Denys Chmyhal, pour faciliter le retour des enfants emmenés de force en Russie, une mission que François s’est déclaré prêt à assumer ? La révélation au quotidien italien Il Fatto Quotidiano, par Stefano Zamagni, ancien président de l’Académie pontificale des sciences sociales et cheville ouvrière de l’encyclique Laudato sí, de l’existence d’un plan de paix en sept points bâti autour de la médiation du Saint-Siège, n’a fait qu’ajouter aux supputations.
Une étroite marge de manœuvre
Le Kremlin a aussitôt démenti avoir été informé, tout comme l’ambassadeur de l’Ukraine près le Saint-Siège. La réaction surprise du cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin (« à ma connaissance, ils étaient et sont au courant ») n’a pas contribué à dissiper le mystère. Quant au métropolite Hilarion, il niait avoir discuté d’un éventuel plan de paix avec son interlocuteur…
Une chose est sûre : la marge de manœuvre du pape est étroite. La Russie, pays de tradition orthodoxe, n’est pas prête à laisser le chef de l’Église catholique se mêler de ce dossier, au risque de mettre en porte-à-faux son patriarche qui a pris fait et cause pour l’« opération spéciale » de Poutine. Quant aux autorités ukrainiennes, elles sont reconnaissantes envers François pour sa sollicitude personnelle et l’ont invité à visiter le pays, mais elles continuent à ne pas comprendre la « neutralité » du Saint-Siège et le refus du pape, au cours des premiers mois du conflit, de stigmatiser la Russie comme agresseur, tout comme ses réserves ouvertes à l’égard de l’OTAN (voir FC n° 3769).