En proposant de faire du 11 novembre « la date de commémoration de la Grande Guerre et de tous les morts pour la France » le 11 novembre, Nicolas Sarkozy a suscité, comme on pouvait s’y attendre, un feu roulant de critiques. On l’a accusé de copier les USA et leur « Memorial Day », voire de diluer la mémoire des autres conflits. D’autres ont souligné que le sacrifice des Français morts pour la France dans le cadre de la mobilisation ou du Service national n’était pas tout à fait comparable à celui des soldats d’une armée de métier.
Pourtant, la proposition du chef de l’Etat semble relever du simple bon sens. Elle tient compte d’abord d’un fait difficilement réfutable : il n’y a plus aujourd’hui de « Poilu » en vie, et ceux qui peuvent aujourd’hui se souvenir de la journée du 11 novembre 1918 se font de plus en plus rares. La guerre de 14-18 quitte peu à peu le domaine des mémoires individuelles. Peu à peu, la Grande guerre rejoint le temps de l’Histoire et il faut savoir gré au chef de l’Etat d’en avoir pris acte.
Ce temps de l’Histoire ne doit pas être celui de l’oubli. On ne construit rien sur l’oubli, et surtout pas la réconciliation de deux peuples comme le peuple français et le peuple allemand. En ce sens, il est important que le 11 novembre ne perde pas sa signification première, celle du souvenir de ces 1 350 000 Français tombés pour leur pays.
Pour autant, on ne saurait, sans injustice grave, et même odieuse, oublier ceux qui sont morts dans d’autres conflits, plus éloignés, ou plus contestés. Le jeune appelé tombé en Indochine ou en Algérie ne mérite pas moins notre respect : après tout, il a obéi à un gouvernement français démocratiquement élu. Tout comme ceux qui sont tombés en Afghanistan, il a fait jusqu’au bout son métier de soldat, un métier qui ne sera jamais comme les autres puisque le sacrifice suprême est dans le contrat de travail.
C’est assez dire que critiquer l’initiative présidentielle au prétexte que la France dispose aujourd’hui d’une armée de métier n’est pas spécialement une attitude digne. En quoi nos engagés, nos volontaires seraient-ils moins honorables que les appelés de naguère ? Enfin, il ne faut pas oublier ceux qui, à la Légion étrangère, par exemple, sont devenus français « non par le sang reçu, mais par le sang versé ».
Pour honorer tous ceux-là, y a-t-il finalement une meilleure date que le 11 novembre ?