En peu de temps, le gouvernement de Pékin a manifesté à deux reprises sa volonté de ne rien céder, montrant une fois de plus le peu de cas qu’il fait des réactions internationales. Déjà, dans le domaine diplomatique, il continuait à soutenir la Corée du Nord de la dynastie Kim ; dans le domaine économique, il ne tenait jamais compte des desiderata de la communauté internationale, par exemple en ce qui concerne le taux du yuan ; dans le domaine social, il ne montrait guère de préoccupations écologiques ou de souci de restreindre l’application de la peine de mort. De même, en ce qui concerne croyances et consciences, il vient de s’opposer frontalement aussi bien au comité Nobel qu’au Vatican, dont les positions ne peuvent être donc prises en considération.
On a vu, le 10 décembre, pour la remise du prix Nobel de la Paix au dissident Liu Xiaobo emprisonné, que non seulement les télévisions étrangères étaient brouillées, mais que les simples mots « chaise vide » et « Oslo » étaient censurés sur l’internet. Surtout, les officiels ont dénoncé une « mentalité de guerre froide » et un « théâtre politique » en faveur d’un « criminel ». Des pressions ont aussi empêché une vingtaine de pays d’assister à la cérémonie norvégienne.
Pour ce qui est des catholiques, l’État communiste, depuis quelques années, acceptait de nommer évêques des prêtres ayant reçu l’accord du Saint-Siège, en même temps que plusieurs dizaines d’« officiels » revêtus de la dignité épiscopale de façon unilatérale obtenaient leur reconnaissance par Rome. Mais Benoît XVI rappelait régulièrement que sa volonté de normaliser les relations avec Pékin et de réunir « officiels » et « clandestins » ne devait pas nuire à l’indépendance de l’Église, invitant en conséquence les évêques à résister aux pressions du Parti, même camouflées à travers des organismes officiellement catholiques mais en fait simples courroies de transmission du pouvoir. Or, le 20 novembre, le P. Joseph Guo Jincai est devenu évêque de Chengde, dans le Hebei, contre la volonté du Vatican — encourant de ce fait l’excommunication —, car jugé trop inféodé au parti. Huit évêques ont été emmenés plus ou moins de force pour participer à la cérémonie, qui n’a réuni qu’une centaine de participants, beaucoup moins nombreux que les policiers et fonctionnaires présents. En outre, l’Assemblée nationale des représentants catholiques a porté à sa tête le 9 décembre Mgr Fang Xingyao, un évêque reconnu par Rome mais perçu comme « vulnérable », tandis que la conférence des évêques est désormais chapeautée par Mgr Ma Yinglin, ordonné en 2006 sans l’aval de Rome.
Ironie du sort : ces événements se produisent au moment où sort en France l’étude d’un prêtre « officiel », le P. Paul Wang Jiyou, qui montre comment Le premier concile plénier chinois (1924) (Paris, Cerf, 418 pages), tenu en lien étroit avec le Vatican, peut être considéré comme un moment fondamental dans la mise en place d’une Église authentiquement chinoise.