L’archevêque Salvatore Cordileone de San Francisco, dans ses courageux efforts pour protéger les étudiants catholiques de Bay Area de l’influence pernicieuse du programme gay, a invoqué la loi naturelle pour insister sur l’inacceptabilité morale des relations et du mariage homosexuels.
Gary Gutting, professeur de philosophie à l’université de Notre Dame et contributeur régulier de la chronique The Stone dans le New York Times, a remis en cause l’interprétation que fait l’archevêque de la loi naturelle. Gutting croit que la loi naturelle, correctement interprétée, autorise le programme gay. Il se trompe du tout au tout, et il est important de comprendre pourquoi.
Mais d’abord, nous avons besoin de reprendre deux questions concernant la loi naturelle. Comment est-elle reliée à la Foi ? Et comment ses arguments fonctionnent-ils ?
La loi naturelle n’est pas un article d’un dogme spécifiquement catholique. Les catholiques sont ceux qui invoquent le plus la loi naturelle, mais c’est simplement parce qu’ils ont une haute opinion de l’impartialité et de la compétence de la raison – cette faculté de notre esprit qui ne dépend pas de la Révélation divine.
Cette lumière de notre intelligence est bien entendu complétée et portée à sa perfection par la Révélation accordée par Dieu, qui inclut en particulier les dogmes de notre Foi. Mais cette lumière surnaturelle additionnelle ne diminue pas la dignité de la raison naturelle, qui est capable de discerner les lois qui gouvernent l’exercice vertueux des facultés humaines.
En somme, la loi naturelle est ce qui règle la raison, et de ce fait, elle est en principe valable pour tout un chacun, catholique ou non.
Le professeur Gutting fait cas de cette distinction. Il ne confond pas les arguments de l’Eglise découlant de la loi naturelle avec ceux de la théologie révélée. Dans sa réfutation de l’archevêque Cordileone, Gutting a pour but premier de rencontrer l’archevêque sur le terrain des principes naturels ou philosophiques. (Plus avant, Gutting attaque les arguments contre l’homosexualité basés sur l’Ecriture, mais nous abandonnerons ses propos aux spécialistes des textes sacrés.)
Donc, comment fonctionnent les arguments de la loi naturelle ? Pour répondre à cette question, nous devons d’abord considérer ce que nous voulons dire par loi ou précepte. Saint Thomas d’Aquin nous dit que « la notion de précepte signifie un ordre en vue d’un but, dans la mesure ou ce qui est commandé est nécessaire ou opportun pour atteindre ce but. »
Dans cette optique,un précepte naturel ou une loi naturelle signifie ce qui est nécessaire ou opportun pour nos buts naturels, ou pour l’un d’entre eux. Quels sont les buts naturels des êtres humains ? Il y a les biens qui portent notre nature à sa perfection, les biens pour lesquels nous sommes faits, les biens que notre nature réclame avant même qu nous n’ayons fait des choix particuliers : des biens tels que la vie, la famille, l’éducation, l’amitié, la communauté politique, la vérité, et par dessus tout, la vérité sur Dieu.
Un argument de loi naturelle découle d’un examen des biens qui peuvent parfaire la nature humaine. Un tel argument cherche alors à clarifier les lois et les préceptes qui gouvernent la nécessité ou l’opportunité de rechercher ces biens.
Le professeur Gutting avance deux arguments pour justifier sa conviction que la loi naturelle appuie le programme gay. Le premier d’entre eux révèle la faiblesse des deux arguments. Il se résume à ce que Gutting considère comme les effets bénéfique de la « sexualité non-reproductive », i.e. l’homosexualité.
Il tourne l’argument sous forme de question : « même si la sexualité non-reproductive est d’une certaine façon moins ‘naturelle’ que la sexualité reproductive, ne peut-elle pas jouer un rôle positif dans l’épanouissement d’une vie humaine d’amour entre deux personnes de même sexe ? »
Tout repose sur ce que Guttering veut dire par « épanouissement ». Car, comme nous venons de le voir, les préceptes de la loi naturelle gouvernent la poursuite des biens qui portent notre nature humaine à sa perfection. Le professeur Gutting adopte simplement une notion particulière d’épanouissement humain. Il est d’accord avec l’affirmation du philosophe John Corvino selon laquelle : « une relation homosexuelle, tout comme une relation hétérosexuelle, peut-être une voie significative de sens, de croissance et d’accomplissement. Elle peut réaliser une variété de biens humains authentiques ; elle peut porter de bons fruits… [Pour les couples homosexuels comme pour les couples hétérosexuels], la sexualité est une manière puissante et unique de construire, célébrer et restaurer l’intimité. »
Rien de tout cela n’est argumenté dans l’essai de Gutting. Il est simplement affirmé de façon péremptoire que c’est une description authentique de l’accomplissement vers lequel la loi naturelle nous conduit. Mais la loi naturelle n’est pas orientée vers l’idée que se fait quelqu’un de l’épanouissement mais vers l’accomplissement de nos inclinations naturelles, préalablement à tout choix.
Même si nous acceptions de concéder que les relations homosexuelles sont « riches de signification » et qu’elles « restaurent l’intimité », nous aurions toujours à nous poser la question : est-ce que cette signification et cette intimité de la relation sont en harmonie avec l’authentique épanouissement de notre nature ? Les amants adultères trouvent sans aucun doute du sens et de l’intimité dans leurs aventures. Cela est-il suffisant pour déclarer l’adultère comme épanouissement authentique de la nature humaine et de ce fait autorisé par la loi naturelle ?
En essayant d’asservir la loi naturelle au profit du programme gay, Gutting fait entrer en fraude dans son argumentation une idée de l’épanouissement qu’aucun adepte de la loi naturelle ne peut approuver, et il se déclare vainqueur sur la base de ce subterfuge.
Il est révélateur que le professeur Gutting ne mentionne pas une seule fois dans son article les mots « mariage » et « famille » comme faisant partie de l’épanouissement de la sexualité humaine. Ce qui s’en approche le plus, ce sont ses références à « la grossesse » et « la reproduction » comme étant ce que la tradition de la loi naturelle considère habituellement comme étant la finalité de la sexualité.
Mais c’est une description radicalement mensongère. La grossesse par elle-même n’est pas le but naturel de la sexualité : ce but c’est le foyer. Et par foyer j’entends l’homme et la femme mariés dont les actes procréatifs ont produit, Dieu le voulant, de beaux enfants solides, demandeurs, épuisants pour lesquels les deux membres du couple sont prêts à sacrifier leurs vies.
Si Gutting ne mentionne pas le bien du foyer, alors il ne parle pas de la vision de la sexualité dans la tradition de la loi naturelle.
Donc il n’y a pas de raison de penser qu’il soit proche de co-opter cette tradition dans l’agenda gay.
Daniel McInnerny est un philosophe et un auteur de fiction, à la lois pour les adultes et pour les enfants.
Illustration : « Loth fuyant Sodome » par Benjamin West, 1810
source : http://www.thecatholicthing.org/2015/03/14/trying-to-queer-natural-law/