Purgatoire: réponse à une objection - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Purgatoire: réponse à une objection

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Selon la théologie catholique, le Purgatoire est une situation (ou un processus, pas nécessairement un emplacement) où passe l’âme d’un défunt décédé en état de grâce mais chargé de fautes vénielles et de mauvaises manières et dispositions. Ainsi le Purgatoire est une position pour les âmes dont la rédemption n’est pas encore parfaite. Ce n’est pas une résidence à mi-chemin entre Ciel et Enfer. Au Purgatoire on se soumet volontairement à la sanction adaptée afin de pouvoir entrer purifié au Paradis. Mais les défunts du Purgatoire n’y sont pas esseulés. Nous, les vivants, pouvons leur apporter de l’aide par nos prières, en offrant des Messes, des aumônes, à l’aide d’indulgences, etc., sans, apparemment, perturber l’objet du Purgatoire. Chez certains protestants, même parmi ceux qui acceptent l’idée du Purgatoire, se lève une objection. Pour eux, si subir la peine du Purgatoire est nécessaire à la purification d’une âme, l’intervention des vivants ne va-t-elle pas perturber cette purification ? Par exemple, comment, par le jeûne et la prière afin que les âmes malheureuses du Purgatoire puissent bénéficier d’un soulagement, leur purification avancera-t-elle si une sanction est irrévocable ? On est dans l’erreur en considérant le Purgatoire en termes de justice distributive, en imaginant que l’aide de la part des vivants s’oppose à l’exécution de la peine par le défunt, comme s’il y avait en définitive un jeu « gagnant – gagnant ». Erreur excusable car l’Église et ses théologiens emploient parfois un langage juridique d’exécution de la peine dans leur description du Purgatoire, des punitions, et du rôle joué par les vivants dans la réduction de peine. Néanmoins, techniquement parlant, le sens donné par l’Église à la justice exercée au Purgatoire a toujours été d’ordre théologique. Pour St. Thomas d’Aquin « la justice n’a de sens que si elle implique une certaine rectitude dans le comportement de l’homme, de sorte que ses plus hautes pensées sont soumises à Dieu et que les pulsions ordinaires de l’âme sont soumises à ses plus hauts sentiments.» C’est pourquoi deux conciles — Orange et Trente — citent la parabole de la vigne et des sarments (Jn 15:1 – 17) pour expliciter la relation entre les membres du Christ, vivants et morts, s’aidant mutuellement sur le chemin du Paradis. Le Concile de Trente affirme: « Car le Christ Jésus Lui-même, tête des membres et vigne pour les sarments, donnant en permanence la force à ceux qui la méritent, force qui prépare, accompagne et suit leurs bonnes œuvres, et sans laquelle ils ne pourraient plaire et être méritants devant Dieu, nous devons croire que par leurs bonnes œuvres conformes à la loi divine ils mériteront la vie éternelle pourvu qu’ils partent en état de grâce… » Ainsi, quoi que nous fassions en faveur des âmes du Purgatoire — jeûne, prières, aumônes, messes, indulgences, etc. — c’est par la grâce agissante de Dieu en nous que nous pouvons exprimer notre amour, vertu de charité envers tout le Corps du Christ constitué des vivants et des morts. Un exemple concret pourra aider. Peter grandit dans une famille désunie. Il y contracte des vices le menant à une vie de méfaits et de débauche. Imaginez que, jeune adulte, il se convertisse, mais éprouve des difficultés à surmonter ses vieilles habitudes. Il est fréquemment tenté de rechuter, tout en sachant qu’il se détruirait. Dégoûté de cette bataille intérieure, il s’engage dans une vie cloîtrée, soumis à une discipline rigoureuse de jeûne, de prière, d’étude, de méditation, de dévouement pour les pauvres et d’auto-flagellation. Après bien des années il a acquis une maîtrise de soi qui le sidère, et surprend ses nombreux amis du monastère. Il est alors touché par une épiphanie le submergeant de larmes de profonde gratitude. Regardant autour de lui, il voit d’un œil tout neuf ce qu’il voyait comme familier au cours des années précédentes : la merveilleuse architecture, les bibliothèques débordant de livres, le splendide sanctuaire, les vingtaines d’amis qui sont maintenant sa famille, toutes les manifestations d’amour et de dons désintéressés qui ont rendu possible son itinéraire. Et bien qu’on puisse dire de ceux qui ont participé, donateurs, bénévoles, frères moines, à ce magnifique environnement, qu’ils ont aidé à soulager la peine des pénitents, il serait inexact de penser à ces apports comme des dons, en fait Peter ne peut, ou ne peut plus, les voir ainsi. Oui, Peter a eu de la peine, de la souffrance, bien méritées, et il sait que sans cette surabondance de dons reçus c’eût été bien pire. Mais il ne peut, en vérité, y voir un soulagement de ce qu’il aurait pu subir autrement. Bien plutôt il considère son expérience comme un tout apportant le bien à lui-même comme à tous ceux avec lesquels il vit en amitié. Charité et souffrance sont allées de pair dans le même but. Comprenant cette histoire, vous comprendrez le Purgatoire vu par les catholiques. Francis J. Beckwith
Illustration : Le navire du rachat au Purgatoire par Anton Koch, vers 1825.
http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/purgatory-an-objection-answered.html