Les promesses, disent certains, n’obligent que ceux qui les entendent : le Président Normal pense au contraire qu’elles l’obligent impérativement. Ce en quoi je ne puis le blâmer : c’est la dignité même de l’être que de tenir le compte exact de ce qu’il a promis afin de satisfaire chacune des promesses exprimées…
Certes, certes ! Mais que faire des promesses d’ivrogne ? (Je n’ai pas écrit que le Président en soit un, loin de moi cette pensée.) Que faire des promesses d’aveugle quand il faut gravir un obstacle plus haut que le Mont-Blanc lui-même ? Des promesses imprudentes, c’est-à-dire dont on ne possède pas les moyens de les accomplir ? Ou les capacités… Des promesses de cancre (il en existe partout), incapables de concevoir par exemple la complexité qui entoure tout ce qui touche aux « couples » (encore plus, hélas, tout ce qui touche aux « paires »…)1
Comment oser continuer à promettre quand, à l’évidence, n’avaient pas été compris les dangers de la promesse en question alors que l’on n’avait en tête que ses bienfaits ? Monsieur Hollande, avant d’être élu, promet donc de permettre que les « paires de semblables », réunis par les seuls liens de l’amour, puissent bénéficier du statut de « mariés ». Au nom, précise-t-il ensuite, de l’égalité. Mais il est impossible que lui ait échappé un fait essentiel : le mariage n’est pas fondé, rationnellement, sur l’amour entre personnes de tous types mais sur l’intérêt que tout l’État « normal » fait en premier lieu valoir – sans cela il refuserait purement et simplement de « marier » – l’intérêt de voir le peuple continuer à exister !
Il est tout aussi impossible qu’il n’ait pas aperçu qu’il n’existe pas d’égalité réelle entre les « semblables », qu’ils soient deux ou plus, et les deux « complémentaires » qu’unit l’institution du mariage. Qu’il n’ait pas compris – après tout il dispose d’une intelligence certaine et suffisante – qu’il s’est aventuré sur un terrain inexploré : là encore, il manque d’expérience –, et qu’ainsi il allait bouleverser toute la réalité parentale et donc, pour exalter les uns, peu nombreux, alarmer tous les autres qui forment l’essentiel du peuple. Il convient d’ajouter : ce dernier point engendrera une infinité de souffrances lorsque les enfants issus des magouilles technologiques auxquelles on commence à penser se rendront compte qu’ils sont sans père ou sans mère. En somme condamnés à une boiterie identitaire. C’est du jamais vu, c’est de l’inacceptable.
Quand on pense « mariage », on entend « conjugalité », mot issu du verbe « conjuguer ». Cette « conjugaison » n’est pas d’abord comprise, dans le mariage « normal », comme source du plaisir sexuel : celui-ci ne fait pas partie du contrat puisqu’il peut, après tout, s’éprouver sans le moindre acquiescement public. Le mot sous-tend la notion, privilégiée par l’État, de « reproduction ». Le mariage civil a en premier lieu le souci de cette reproduction et donc, dans le même élan, de l’éducation de ceux qui sont issus de cette action conjugale permise par la « conjugaison » de deux sexes très visiblement ordonnés à cette fin.
On n’en pense ce que l’on veut, on ne peut pas ne pas en tenir compte, malgré tout l’attirail phraséologique dont dispose l’armée d’en face.
L’État donc ne s’engage envers les « conjugués », autrement dits époux, qu’en cette vue première et essentielle : assurer la survie du peuple dont il gère les intérêts.
J’en viens à un point d’autant plus délicat que nous nous trouvons enfouis au plus profond d’une crise économique qui a commencé à réduire d’une façon drastique la capacité financière de notre État. Cette survie du peuple qui jusqu’ici a dépendu de la procréation « naturelle », a un avantage certain en ce sens qu’elle est gratuite : pas de tarif entre époux dits complémentaires qui soit remboursé par la Sécurité sociale. Du moins le plus souvent : quand il n’est pas nécessaire de faire intervenir les spécialistes capables de rendre fertiles les femmes stériles qui, par chance, ne forment pas le plus gros de troupes… On sait que cette tâche sociale pèse d’un poids certain même si mesuré sur les comptes de la Sécurité sociale…
La question que je me pose porte sur cette assistance médicale à la procréation qui doit être, avec la loi sur la famille – que de sollicitudes – étendue dès cette année aux paires de semblables. Comme il ne pourra rien y avoir de naturel dans ce petit monde des « épousés unisexes », même pas le type de biologie que portent fièrement sous leur maison mobile les escargots, il faudra nécessairement nous dit-on, instrumentaliser la procréation en la déléguant à des équipes de spécialistes.
(J’use de ce mode peut-être trop caustique parce que le sujet est particulièrement éprouvant : moralement, intellectuellement, spirituellement… Je ressens comme totalement indigne d’instituer légalement ce mode de reproduction : on nous parle d’amour, je vois qu’on discute machines.)
L’AMP se superposera au projet dit de « mariage pour tous » 2 (en fait pour tous les semblables) – expression paradoxale puisque déjà pour qu’il y ait mariage « normal » il faut deux candidats à l’union contractuelle de procréation disposant entre eux des moyens naturels propres à son accomplissement : projet qui ouvre à la Sécurité sociale un véritable abîme pour ses comptes : en somme, le principe d’égalité tel qu’il est revendiqué, étant donné qu’il s’applique à un cas de figure totalement aberrant, pousse le « peuple de gauche » à réclamer l’intervention gratuite des « experts en fécondité » pour ses semblables mâles qui auraient pourtant un moyen simple de « concevoir » en allant directement rencontrer par exemple une lesbienne (puisqu’horreur il ya de la femme normale). Je fais abstraction des amitiés qui existent depuis toujours entre les unisexes et les autres, pour user d’un terme moche que le projet ne pouvaient que jeter sur le parvis des discussions.
Ce ne serait guère moral, mais dans cette affaire il semble que les préoccupations morales d’autrefois ont été jetées au ruisseau. Monsieur Peillon nous expliquera bientôt ce qu’il faut entendre, mais en profondeur et vérité, en détail comme en gros, par « morale laïque »… Ce sera certainement d’une haute élévation même si cette morale ne trouvera pas, selon mes pronostics, l’absolu dont elle aura besoin pour justifier pleinement ses propositions.
Monsieur Hollande a été d’une imprudence extrême et déconcertante : il est vrai que le pauvre homme, manque d’expérience ! Il n’a pas aperçu que la seule notion de « mariage pour tous » soulèverait une telle fabuleuse vague de commentaires, vrai torrent qui balaye depuis un mois tout sur son passage, toutes les digues construites à la hâte avec un peu de boue, quelque balles de paille, de chiffons : tant d’excellentes réflexions, de considérations, de développements, d’explications, d’images, de références d’où, on peut le dire fièrement, le concept de mariage à l’ancienne sort grandi, exalté, puissante, d’un si haut intérêt que je ne vois pas comment ceux qui succèderont à l’hollandisme en 2017 pourraient ne pas revenir à lui…
Pour aller plus loin :
- Il faut redire que le mot couple ne saurait convenir pour désigner une paire unisexe : en matière de sexualité, un couple n’existe que s’il y a capacité à « s’accoupler ». Maintenant, il est vrai qu’aujourd’hui tout étant remis en question, pourquoi ne pas « inventer » la paire qui s’accouple… Ma remarque ne vaut que pour ceux qui tiennent toujours à ce que notre langue soit précise.
- Mariage pour tous : Jean-François Mattéi qualifie les expressions « mariage pour tous » et « homoparentalité » de « pauvres oxymores ». En poésie, l’oxymore a son rôle à jouer, mais il vaut mieux qu’elle soir « riche » telle par exemple une « froideur brûlante »… Mais les concepts en question étant d’une singulière misère, que les mots qui les nomment soient à leur niveau est « normal »…