Qu’ont donné les grandes promesses de libération des femmes des années 1970 ? Celles-ci sont-elles débarrassées des tourments associés à la maternité ? Pas vraiment estiment les organisateurs de la Tournée bioéthique 2010.
Beaucoup de ceux qui affirment vouloir « arracher les femmes à la fatalité » pour garantir leur épanouissement ont déchanté. Ils imaginaient briser quelques chaînes qui les entravent depuis la nuit des temps : grossesses non désirées ou au contraire épreuve de l’infertilité, sans oublier la menace sur la santé de la jeune accouchée et de son nouveau-né. Qu’en est-il ?
Bien sûr, dans les pays développés, on voit de moins en moins de femmes mourir en couche et la mortalité infantile s’est heureusement effondrée. Pourtant, malgré les progrès de la technique médicale, et parfois à cause d’eux, la réalité de la maternité semble s’être assombrie. Avec la multiplication des examens, on parle de « grossesse anxiogène » pour décrire la traque du handicap qui marque de plus en plus l’attente de l’heureux événement. En France, elle est plus intense que partout ailleurs. Elle a abouti à cet « eugénisme démocratique » que de plus en plus de voix dénoncent, à l’image des professeurs Didier Sicard et Jean-François Mattei.
Dans le même temps, la stérilité augmente, à cause, pense-t-on, de la pollution et des modes de vie sédentaires, et pas seulement parce que les femmes attendent désormais d’avoir 30 ans (en moyenne) pour donner naissance à leur premier enfant. Un couple sur dix suit un jour un traitement contre l’infertilité. Lorsque le bébé tant attendu paraît enfin, la société applaudit la prouesse des médecins procréateurs. Mais la moitié des couples qui se sont tournés vers les procédés artificiels restent en échec. Et, quel que soit leur résultat, ces techniques d’assistance médicale à la procréation sont une épreuve, à cause de l’intervention d’une tierce personne dans l’intimité conjugale. Les démarches d’adoption s’en trouvent retardées d’autant. Il y a à ce propos un paradoxe hexagonal qu’on commence à pointer comme l’a fait le député Yves Nicolin, initiateur de l’Agence française de l’adoption, dans son livre Adoption une nouvelle naissance (2007) : tandis que vingt-cinq mille couples sont en attente d’enfant adoptable (alors que très peu de nouveaux-nés sont confiés à l’adoption en France), 220 000 femmes subissent chaque année un avortement…
Sur ce sujet de l’avortement, le débat reste fermé, mais on reconnaît de plus en plus qu’il y a trop d’avortements, que le « tout contraceptif » n’a pas fait baisser leur nombre et que les femmes en souffrent. Car voilà qu’une nouvelle injonction, celle de « programmer » les naissances semble peser sur elles. Les grossesses rapprochées n’ont pas bonne presse. La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité des droits (Halde) a même dénoncé, au début de l’année, les discriminations professionnelles qui briment les femmes enceintes. Le tout récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales a noté que 72 % des femmes qui subissent une IVG étaient sous contraception lorsqu’elles sont tombées enceintes ! C’est le fameux « paradoxe contraceptif français » : il s’explique par la différence entre l’efficacité théorique des méthodes et leur moindre efficacité pratique. En cas de rupture d’un préservatif ou d’un oubli de pilule, les femmes qui se retrouvent enceintes s’orientent désormais bien plus systématiquement vers l’avortement que celles qui essaient de réguler leurs grossesses par les méthodes naturelles. Ces dernières sont par ailleurs de plus en plus fiables, même si elles sont exigeantes pour les couples.
Les pouvoirs publics persistent cependant à augmenter encore l’information contraceptive – qui confine au harcèlement – et à multiplier les lieux de prescription de l’IVG. Jouant au pompier pyromane, Ségolène Royal vient de surenchérir avec son « pass contraception ».
C’est pour réagir à ce contexte que l’Alliance pour les Droits de la Vie a choisi, pour sa tournée bioéthique 2010 d’aborder globalement toutes ces questions, et de proposer de nouvelles perspectives d’action. La question de l’avortement n’est-elle pas bioéthique ? Elle mérite alors d’être intégrée sinon au débat législatif, du moins à la réflexion globale sur la maternité.
Du côté de l’Office chrétien des personnes handicapées et du Comité protestant pour la dignité humaine qui participent à cette tournée ainsi qu’à l’association Mère de Miséricorde, se dégage une même sensibilité : celle qui incite à partir des souffrances dont témoignent les femmes qui se confient aux diverses associations et d’essayer de « comprendre » ce qui se passe, avant de rechercher les solutions permettant d’encourager l’accueil de la vie, spécialement des plus vulnérables.
La Tournée permet aussi de mesurer à quel point la procréation contemporaine est marquée par la surproduction des embryons, leur tri et leur destruction. En additionnant aux IVG (220 000), les quelque 280000 embryons conçus dans le cadre de la fécondation in vitro (pour moins de 14 500 naissances) et les millions qui sont éliminés par les divers dispositifs contragestifs (stérilet puis seconde génération des pilules du lendemain), on arrive à trois ou quatre fois plus d’embryons conçus puis détruits que les quelque 800 000 qu’on laissera naître. La tendance est à l’accélération de ce processus industriel, selon le professeur Jacques Testard. Le généticien pronostique une société de la procréation 100% artificielle, où, choisissant parmi d’innombrables embryons, l’expert exercerait un rôle totalitaire.
À quelques semaines du débat au Parlement en vue de la seconde révision de la loi de bioéthique, la Tournée bioéthique propose de déjouer de telles prophéties. Les femmes veulent une maternité plus naturelle et, même si la revendication du bébé sans défaut tend à se généraliser, leur malaise est perceptible. Selon le sondage IFOP commandité par l’Alliance, 83% des Françaises veulent qu’on indique aux femmes enceintes consultant en vue d’une IVG la liste des aides aux femmes enceintes et aux jeunes mères. Ces aides ont été brutalement effacées des guides officiels, en 2001. Et 67% des Françaises considèrent même qu’il faudrait davantage indiquer aux femmes enceintes qui éprouveront de lourdes difficultés pour élever leur enfant la possibilité de le confier à l’adoption. Une opinion en pleine mutation car elle monte à 75% pour les moins de 35 ans.
Sans attendre l’engagement des pouvoirs publics auxquels elle vient présenter ces revendications, l’Alliance pour les Droits de la Vie vient d’éditer son propre guide intitulé Je suis enceinte ! Il récapitule les aides publiques auxquelles elles ont droit. À l’occasion de la Tournée, est lancé un appel aux élus pour qu’on n’oriente plus systématiquement les femmes en difficulté vers l’avortement comme issue obligée d’une grossesse imprévue ou difficile. Pour donner sa chance à la vie.
Pour aller plus loin :
- 3031-Procréation artificielle
- Tugdual Derville, Délégué général d’Alliance VITA, réagit à l’arrêt de la Cour de cassation qui légitime l’adoption plénière d’enfants par l’épouse d’une femme l’ayant obtenu à l’étranger par procréation artificielle avec donneur anonyme (PMA).
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- Procréation : dégâts collatéraux
- La « Legge 40 » sur l’assistance médicale à la procréation soumise à la Cour de Strasbourg.