J’ai toujours aimé ce passage du premier chapitre des Actes des Apôtres relatant l’Ascension, où les Apôtres regardent les derniers moments terrestres du Christ, et deux anges apparaissent, leur demandant « pourquoi restez-vous ainsi à regarder le ciel? »
Avec tout le respect dû aux anges, j’ai peine à imaginer ce qu’ils auraient pu faire d’autre en regardant un tel évènement. On comprend généralement cette question posée aux Apôtres comme une invitation à partir pour la mission confiée par le Seigneur. La contemplation devait pousser à l’action. Mais les Apôtres avaient besoin d’un répit pour s’y engager.
L’autre passage se trouve dans « Actes; 19 »: Paul est aux environs d’Éphèse. Il demanda aux disciples du lieu s’ils avaient reçu l’Esprit Saint.Ils répondirent franchement « Mais nous n’avons même pas entendu dire qu’il y a un Esprit Saint.» À bien réfléchir, la plupart des gens répondraient sans doute de la même façon si on leur posait la question. Et nous chrétiens qui avons entendu parler de l’Esprit Saint sommes étonnés de Sa présence en la Divinité ainsi que sur terre. Cet étonnement nous incite à réfléchir sur ce qu’est ce Saint Esprit.
La scène avant la Pentecôte dans l’Évangile de Jean nous surprend d’une autre manière. Les disciples sont enfermés par crainte des Juifs. Le Christ apparaît au milieu d’eux. il leur dit: « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie.»
Ils savent la signification de la mission donnée par le Père. Puis le Christ « souffla sur eux et leur dit « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » » Ainsi investis, ils sont désormais liés au plan divin par le même Esprit Saint envoyé par le Fils et par le Père. Que signifie tout ceci?
Sint Basile le Grand a écrit un traité sur le Saint Esprit. « Les titres attribués à l’Esprit Saint doivent surement émouvoir l’âme de quiconque les entend,» nous dit Basile. « Ils (les titres) nous font saisir qu’ils évoquent rien de moins que l’Être suprême.» Quels sont donc ces titres? On L’appelle « Esprit de Dieu, Esprit de Vérité, qui procède du Père, l’Esprit fermement résolu, l’Esprit qui guide. Mais son titre essentiel et personnel est Esprit Saint. » La sainteté est le signe de son appartenance intime à la Divinité.
Dans le Symbole de Nicée nous disons: « Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie; il procède du Père et su Fils; avec le Père et le Fils il reçoit même adoration et même gloire; il a parlé par les prophètes.» Comment comprenons-nous que l’Esprit « a parlé par les prophètes »?
D’évidence, ce qu’annonçait l’Ancien Testament, diffusé à tout le cosmos, était la préparation à l’incarnation du Verbe parmi nous. De semblable manière, après le retour du Christ auprès de Son Père, l’Esprit — l’Avocat — nous est envoyé afin de poursuivre le même plan.
L’idée que nous pourrions être impliqués dans un projet mené parmi nous par la divinité nous frappe comme une atteinte à notre autonomie. Pas besoin qu’on nous aide. Et notre dignité, alors? Pourtant, dans ses adieux aux habitants d’Éphèse, Paul, qui ne compte pas les revoir, déclare qu’il a prêché le plan, ou projet, de Dieu. Ce n’est pas son propre projet.
Un autre nom attribué à l’Esprit Saint est le mot: « don ». La vie intérieure de la Trinité divine trouve sa conclusion dans l’Esprit Saint. La plénitude de la vie est déjà présente. Elle n’a aucun « besoin » hors d’elle-même. Notre relation vers Dieu n’et pas telle qu’il éprouve de nous un besoin quelconque.
Au premier abord, cela semblerait abaisser notre personnalité. Mais c’est tout le contraire. Notre lien à Dieu résulte d’un don total. Notre existence en ce monde est due à bien plus qu’un droit. Nous existons en raison de l’abondance, et non de la nécessité, au sein de la Divinité. Cela signifie que tout, ce qui est autour de nous comme nous mêmes, est un don.
Basile nous dit aussi que l’Esprit « illumine ceux qui ont été lavés des taches du péché et les unit spirituellement à Lui par la communion.» Nous oublions parfois que le Christ est venu sur terre pour racheter nos péchés. Il n’est pas venu les contourner, nous dire que c’était très bien, ou dire qu’on ne les avait pas commis. Il est venu nous pardonner, si nous y étions prêts.
La différence entre christianisme et autres religions ou philosophie ne réside pas dans la méconnaissance du péché ou du mal chez l’homme, mais l’impossibilité d’en obtenir le pardon. Cette possibilité, les chrétiens ne l’ont pas par eux-mêmes, c’est un don que nous avons reçu.
James V. Schall, S.J.
Gravure : Pentecôte – Pierre Reymond – vers 1550