Pédophilie : Apprendre les leçons du Chili - France Catholique
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Pédophilie : Apprendre les leçons du Chili

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L’annonce surprise de tous les évêques du Chili, qu’ils acceptaient de remettre leur démission au pape François est un incroyable rebondissement. J’ai fait le commentaire en direct à la télévision pour NET TV du diocèse de Brooklyn sur le voyage apostolique du pape François en Janvier, au Chili et au Pérou. A cette époque, nous discutions à longueur de temps de la forte réprimande du Pape envers les personnes qui accusaient l’évêque Juan Barros d’avoir rendu possible l’abus sexuel sur mineurs par son ami et mentor le père Fernando Karadima.

Cinq mois plus tard, la Conférence des évêques du Chili tout entière, après une rencontre de trois jours à Rome avec le pape François, concluait que leur départ collectif lui ferait plaisir, et lui donnerait la plus grande liberté pour reconstruire la confiance des catholiques chiliens en installant de nouveaux évêques à travers tout le pays. Comment en est-on arrivé à ce point ?

Lors de la conférence de presse qui annonçait la démission de masse, l’évêque Fernando Reyes, secrétaire général de la conférence des évêques du Chili a déclaré :

Dans ce contexte de dialogue et de discernement, on a proposé des suggestions variées pour gérer cette grave crise, à la suite de quoi, l’idée s’est développée que, pour être plus à l’unisson avec la volonté du Saint Père, il convenait de déclarer que nous étions absolument prêts à remettre notre charge pastorale entre les mains du pape. Ainsi, nous étions capables de faire un geste collégial de solidarité pour prendre la responsabilité – non sans regret – des graves évènements qui étaient arrivés, afin que le Saint Père puisse décider librement de la façon de procéder en ce qui nous concernait tous.

Les évêques chiliens semblent avoir pensé que le Pape souhaitait leur démission. Ce retournement de situation était impensable au mois de janvier. Que s’est-il passé ? Le sentiment d’outrage des victimes d’abus sexuels et des catholiques ordinaires a explosé au Chili, associé à une couverture persistante du conflit par les médias.

Le Pape a pris à cœur les véhémentes réactions au peu de cas qu’il avait fait du problème. Il a envoyé au Chili deux enquêteurs de l’extérieur pour rassembler des preuves et lui faire un rapport. Puis, il a convoqué la hiérarchie chilienne à Rome.

Il a alors exposé les preuves rassemblées par les enquêteurs dans une lettre (qui par la suite a filtré dans la presse) qu’il a donnée aux évêques chiliens à leur arrivée à Rome. Les méfaits manifestes cités par le Pape, sonnent vrais, étant données les expériences similaires dans les autres pays : destructions de preuves ; transfert de prêtres accusés sans souci des mineurs qui seraient amenés à subir leur influence ; tactiques dilatoires et investigations superficielles ou inexistantes à la suite de plaintes reçues ; pression sur ceux qui étaient chargés de l’enquête canonique sur les crimes allégués ; et placement par des évêques ou par des supérieurs religieux de prêtres soupçonnés d’être des homosexuels actifs dans des séminaires et des noviciats !

Pas de surprise, les enquêteurs ont trouvé ce schéma familier au Chili. Le rapport que faisait la hiérarchie chilienne sur elle-même à ce sujet était gravement déficient et même trompeur.

Ici, la leçon est claire : Si le Saint Siège veut déraciner les abus sexuels sur mineurs par le clergé, et mettre également un terme à la dissimulation associée des prêtres plus anciens et des évêques, alors, il doit utiliser ailleurs les mêmes moyens qui ont été mis en œuvre ici. Des enquêteurs désignés par le Vatican, et n’ayant aucun lien avec l’Église locale en cause, devraient être envoyés pour rassembler des preuves quand sont reçues des plaintes pour abus sexuels et dissimulation.

Le système d’auto-surveillance et d’auto-déclaration s’est révélé complètement inadéquat dans le cas du Chili. L’efficience des dispositions canoniques qui gouvernent la gestion des accusations d’abus sexuels sur mineurs par des prêtres dépend de la coopération entière et vigoureuse de la hiérarchie locale. En l’absence de cette coopération, justice n’est pas rendue. Une telle coopération fait souvent défaut.

La triste réalité est que la révélation de crimes d’abus sexuels sur mineurs et des efforts étendus des évêques et des supérieurs d’ordres religieux pour cacher les faits au public n’a pas été le résultat d’actions initiées par l’Eglise elle-même. Cette révélation est venue par voie de police, de cours de justice et de médias dans des pays variés.

Dans le cas du Chili, les victimes d’abus sexuels n’ont obtenu une vraie écoute de la part de Rome qu’en insistant sur la vérité de leurs réclamations face à l’abandon à la fois des évêques et du Pape. Le pape François a décidé de revoir la question et ce qu’il a découvert est qu’on ne lui avait pas dit toute l’histoire.

Il faudrait aussi qu’il révise les rapports des divers départements de la curie qui étaient impliqués dans la gestion de la situation au Chili ces trente dernières années. La congrégation pour la doctrine de la Foi a trouvé que le père Karadima était coupable en 2011 d’abus sexuels sur mineurs. On lui a interdit d’exercer son ministère presbytéral, et ordonné de mener une vie de prière et de pénitence. Il paraît qu’il clame toujours son innocence. Est-ce suffisant ?

En ne lui retirant pas la prêtrise et ne le réduisant pas à l’état laïc, la gravité de ses crimes n’a pas été suffisamment reconnue. Dans le cas du père Marcial Maciel, qui, lui non plus ne s’est pas vu retirer la prêtrise en dépit de ses crimes graves et multiples, une vie de prière et de pénitence devient l’équivalent fonctionnel d’une retraite forcée et ne prive pas le prédateur sexuel de l’état de vie qui lui a permis d’avoir un accès facile à ses victimes.

Il n’y a pas d’erreur, retirer la prêtrise le punirait de la grave offense faite au Christ et à Ses petits, et communiquerait aussi clairement au monde entier que l’Eglise considère qu’il a complètement perdu son droit d’exercer son rôle de prêtre dont il a fait si mauvais usage.

L’action de Rome sur le Chili a été nécessaire et purgative. La mission de l’Eglise est de défendre l’Evangile. Cela inclut le fait de faire tout ce qui est possible pour protéger l’innocent et punir le coupable. Ce n’est pas de la vengeance, c’est de la justice.

Et maintenant il est temps de jeter le même regard à d’autres pays où les mêmes questions demeurent à propos de la manière adéquate de gérer les accusations d’abus sexuels et de dissimulation.

24 mai 2018

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/05/24/learning-the-lessons-of-chile/

Photo : Le Pape et les évêques chiliens au Vatican.