La Cène (Salvador Dali, 1955)
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En titre, un extrait de la prière après la Communion à la messe du soir du Jeudi Saint, adressée à Dieu par le célébrant au nom de la communauté. Il ajoute, tout simplement, que « nous avons repris des forces » à cette Cène. Et il prie pour que nous soyions « un jour rassasiés à la table de Son Royaume éternel ». Voici des mots pour le moins lourds de sens, et qui devraient inspirer quelque réflexion.
Dans le passé, l’institution par le Fils de Dieu fait homme, est incrustée dans les mots, au cours du repas avec ses amis la veille des horreurs que le poète George Herbert (1593 – 1633) appelait « l’Agonie ».
Ces paroles concernent aussi les temps présents car Jésus ressuscité et glorifié est à nouveau parmi nous pour la « Cène » du Jeudi Saint, partageant avec nous une vie nouvelle inimaginable. Ce repas est un repas d’amour: « L’amour est cette douce et divine liqueur,/ sang pour Dieu et vin pour moi. » (Herbert). Ce repas n’a de signification que par l’évocation, avant que le sang soit versé, des évènements du lendemain. Jésus a donné Sa vie pour nous, moment fondamental de l’histoire de l’humanité.
On y trouve aussi le futur par la nature de Jésus et par ce qu’Il a accompli ici-bas en tant qu’homme au cours des siècles et pour les siècles à venir. Nous nous attablerons pour l’éternité par un chemin mystique dans le Royaume de Dieu. Cette « Cène » concerne passé, présent et futur dans une transcendance du temps.
Pour les croyants, c’est la structure de l’existence, la source de la vie nouvelle ici même et dès à présent. C’est aussi le don d’un sens à une vraie vie, à une vie authentique, une vie éternelle — en fait une vie pour et avec les autres. Jésus a vécu pour les autres en révélant la vérité, en se faisant serviteur des autres, les guérissant, pardonnant leurs péchés, et livrant sa vie pour l’humanité. Jésus ressuscité et glorifié a répandu son Esprit sur l’Église afin que tous les aspects de la vie au service des autres puissent se révéler, visibles et concrets, en tous pays et tout au cours des ages.
Nous avons besoin de cette présence concrète, visible, car nous sommes des créatures dépendant de nos sens. Une partie de cette présence apparaît dans le Nouveau Testament, témoin de la vie de Jésus. Mais l’anticipation de cette présence se trouve tout au long de l’Ancien Testament. Sa présence réside aussi dans le sacerdoce, qui offre le sacrifice, et sa propre prêtrise se trouve dans le sacerdoce des baptisés — ce qui est fréquemment mal compris ou parfois trop accentué. « Les baptisés . . sont consacrés. . . . de façon à offrir, par toutes les activités du chrétien, autant d’hosties spirituelles, en proclamant les merveilles de Celui qui, des ténèbres, les a appelés à Son admirable lumière. C’est pourquoi tous les disciples du Christ, persévérant dans la prière et la louange de Dieu, doivent s’offrir en victimes vivantes, saintes, agréables à Dieu, porter témoignage du Christ sur toute la surface de la terre, et rendre raison, sur toute requête, de l’espérance qui est en eux d’une vie éternelle. » (Vatican II)
De plus une partie de la présence de Jésus pour les autres agit par la fonction d’enseignement de l’Église, par les grâces données par les sacrements autres que l’Eucharistie, et par le clergé. En définitive la présence envers les autres se trouve dans les vies des hommes et femmes religieux. On a besoin de cette médiation complexe de la présence de Jésus au profit des autres car, étant Dieu Il apporte un surcroît de signification à travers ce complexe que nous appelons l’Église.
Ainsi la Messe du soir en mémoire de la Cène du Seigneur nous rappelle le noyau spirituel de l’Église et son achèvement dans la Mort et la Résurrection de Jésus Christ. Créatures vivant dans l’instant nous ne pouvons aborder les questions que l’une après l’autre, ainsi la liturgie nous guide à travers ce « pleroma », cet accomplissement de la grâce que Jésus révèle dans la réalité des mots et des actes au cours de ce repas et sur la Croix — ce qui transforme littéralement toutes choses.
Il s’est sacrifié pour les autres. Et maintenant lors de la Cène du Jeudi Saint nous voyons le prêtre Christ s’offrant en victime, accomplissant sous forme dédiée ce qu’il ferait en une fois pour toutes le lendemain. Le sacrifice était fait et le prêtre commémorait ce sacrifice « pour faire, dans le rôle du Christ, le sacrifice eucharistique et l’offrir à Dieu au nom du peuple tout entier ; les fidèles eux, de par le sacerdoce royal qui est le leur, concourent à l’offrande de l’Eucharistie ». (Vatican II)
Ce flot intarissable de grâce et de vérité jaillit en nous et demeure à jamais, bouillonnant, dans le cœur de cette communauté riche et variée que nous appelons Église.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/the-supper-your-son-gave-us.html
Bevil Bramwell, prêtre Oblat de Marie Immaculée, enseigne la théologie à l’Université catholique de Distance – Hamilton, Virginie.
NDT : les citations « Vatican II » sont tirées des documents du concile Vatican II, version française.
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