Parce qu'il est venu - France Catholique
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Parce qu’il est venu

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« La paix de Dieu, dit l’Apôtre, qui surpasse toute intelligence, gardera vos coeurs et vos pensées en Jésus Christ. » Il existe de nombreux passages dans l’Évangile qui, soit nous effrayent, soit nous troublent, soit nous transportent, mais l’objet de tous ces passages, c’est bien la paix. « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur terre la paix. »

On peut en effet se demander si la guerre, la perplexité, et l’incertitude ne sont pas la condition du Chrétien ici bas ; St Paul lui-même ne dit-il pas qu’il a « le soin », ou la préoccupation « de toutes les Églises et admet dans ses Épitres aux Galates et aux Corinthiens une grand détresse intérieure ? « Combats au dehors, craintes au dedans. » (2 Cor. 7,5).

Je l’accorde : il montre certainement parfois une grande agitation intérieure ; mais avez-vous jamais regardé une étendue d’eau, et observé les rides à la surface ? Pensez-vous que le trouble pénètre en dessous ? Non : vous voyez et entendez parler de redoutables tempêtes en mer, de scènes d’horreur et de détresse, qui ne sont à aucun égard comparables aux pleurs et soupirs d’un apôtre à l’égard de son troupeau. Et pourtant ces violentes agitations n’atteignent pas les profondeurs.

Les profondeurs de l’océan, les vastes royaumes de l’eau qui entourent la terre, sont aussi tranquilles et aussi silencieux dans la tempête que dans le calme. Il en est ainsi de l’âme des saints hommes. Ils ont un puits de paix qui jaillit en eux mêmes et qui est insondable ; et bien que les aléas font qu’ils semblent parfois agités, en fait dans leur coeur ils ne le sont pas.
Même les anges se réjouissent à la vue des pécheurs qui se repentent, et, comme on peut le supposer, pleurent à la vue des pécheurs impénitents : pourtant qui dira qu’ils ne connaissent pas la paix parfaite ? Même Dieu Tout Puissant Lui-même daigne parler de son affliction, de sa colère, de sa joie, et pourtant n’est-Il pas celui qui ne change pas ? Et de la même manière, pour comparer les choses humaines et divines, Saint Paul connaissait la paix parfaite, étant imperturbable dans son âme au sujet de Dieu, bien que les tribulations de la vie aient pu le troubler.

Car, comme je l’ai dit, le Chrétien jouit d’une paix profonde, silencieuse, cachée, que le monde ne voit pas – semblable à quelque puits dans un endroit isolé et ombragé, difficile d’accès. Il est la plupart du temps seul, et quand il est en solitude, c’est son état réel. Il peut se supporter; il peut trouver de la joie en lui-même, si je puis dire, car il se réjouit de la grâce de Dieu en lui, de la présence en lui du Consolateur éternel.

Il supporte, il trouve agréable, de se retrouver avec lui-même à tout moment – « jamais moins seul que lorsqu’il est seul ». Il peut reposer la tête sur son oreiller le soir, et reconnaître sous le regard de Dieu, qu’il ne manque de rien, qu’il « est comblé », que Dieu est tout pour lui, et que rien ne lui appartient qui n’ait pu être donné par Dieu.

Il lui faut en effet davantage de gratitude, davantage de sainteté, davantage du paradis, mais la pensée qu’il peut avoir davantage n’est pas une pensée qui le trouble, mais qui lui donne de la joie. Elle n’interfère pas avec la paix qui l’habite parce qu’il sait qu’il peut encore s’approcher de Dieu. Telle est la paix du Chrétien lorsque d’un seul coeur et avec la Croix sous les yeux, il s’adresse et se confie à Lui pour qui la nuit est aussi claire que le jour. Saint Paul dit que « la paix gardera nos coeurs et nos pensées. »

En disant « garder », il veut dire « surveiller », ou « mettre à l’abri » nos coeurs, afin d’écarter les ennemis. Et il dit nos « coeurs et nos pensées », par opposition à ce que le monde voit de nous. On dit sans doute sur le Chrétien, et on fait contre lui, beaucoup de choses dures, mais il possède une protection ou un charme secret, et ne se préoccupe pas de ces choses.
Voila quelques éléments de réflexion sur l’état d’esprit qui convient à ceux qui suivent Celui qui est « né d’une vierge pure », et qui les invite « comme des enfants nouveau-nés, à désirer le lait pur de la Parole, afin que, par lui, ils grandissent. »

Le Chrétien est joyeux, accommodant, bon, doux, courtois, franc, modeste ; il n’a pas de prétention, pas d’affectation, pas d’ambition, ne se distingue pas ; parce qu’il n’a ni espoir ni crainte au sujet de ce monde. Il est sérieux, sobre, discret, grave, modéré, calme, avec si peu qui soit original ou frappant dans son comportement, qu’au premier abord on peut le prendre facilement pour un homme ordinaire.

Il y a des personnes qui pensent que la religion consiste en extases, ou en discours tout faits ; il n’est pas de ceux-ci. Et on doit avouer, d’un autre côté, qu’il existe un état d’esprit répandu qui se montre calme, posé, et franc et qui est pourtant très éloigné du vrai tempérament Chrétien.
En ce jour [de Noël] en particulier, il est très facile pour les hommes de se montrer bienveillants, généreux, et calmes. Il n’en coûte rien d’être calme quand vous ne ressentez rien, d’être joyeux quand vous n’avez rien à craindre, d’être généreux ou prodigue quand ce que vous donnez ne vous appartient pas, et d’être bienveillant et plein d’égards quand vous n’avez ni principes, ni opinions.

Les hommes d’aujourd’hui sont modérés et justes, non parce que le Seigneur est proche, mais parce qu’ils n’ont pas le sentiment qu’Il vient. La tranquillité est une grâce, non en soi, seulement si elle est greffée sur la tige de la foi, du zèle, de l’humilité, et de l’assiduité.

Que ce soit notre bénédiction, à mesure que les années passent, d’ajouter une grâce à une autre, et de monter, marche après marche, sans oublier la marche inférieure après avoir atteint la marche supérieure, et sans chercher à atteindre la marche supérieure avant d’avoir atteint la marche inférieure. La première grâce est la foi, la dernière est l’amour ; d’abord il y a le zèle, ensuite vient la bonté aimante ; d’abord il y a l’humiliation, ensuite vient la paix ; d’abord il y a l’assiduité, ensuite vient l’abandon.

Puissions nous apprendre à faire mûrir en nous toutes les grâces – avec crainte et tremblement, en veillant et en se repentant, parce que le Christ vient ; pleins de joie et de gratitude, sans souci de l’avenir, parce qu’Il est venu.


John Henry Newman (1801-1890) fut créé cardinal par Léon XIII en 1879 et béatifié par Benoît XVI en 2010. Il fut l’un des plus éminents écrivains catholiques de ces derniers siècles. L’extrait ci-dessus est tiré du sermon de Noël intitulé « Sérénité », que l’on trouve dans le volume V de ses Sermons Paroissiaux.


Joyeux Noël à tous nos lecteurs, de la part du Personnel de The Catholic Thing: Maria Hungerford, Brad Miner, Hannah Russo, Robert Royal.

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Tableeau : Madonna del Velo par Ambrogio Bergognone c. 1500

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/because-he-is-come.html