Que faire avec Poutine ? Alors que la guerre froide est bel et bien morte et enterrée, il semble que l’on continue à se comporter comme si de rien n’était.
L’une des raisons de cet anachronisme semble tenir à l’impact encore énorme produit par l’action du pape Jean-Paul II et la chute du mur de Berlin. Celles-ci ont « ringardisé » « l’Ostpolitik » (la politique à l’Est) qui avait précédé et qui ne manquait pas pourtant de style et de contenu. Outre l’encyclique de Jean XXIII « Pacem in Terris » et l’inlassable présence du cardinal Casaroli , le triptyque « détente, entente et coopération » avait rythmé les discours du général de Gaulle entre 1963 et 1968 (invasion de la Tchécoslovaquie). Le relai avait ensuite été pris par « le changement par le rapprochement » (Wandel durch Annäherung) entre 1968 à 1976 qui valut au chancelier allemand Willy Brandt le prix Nobel de la Paix en 1971.
Dépoussiérons un instant quelques archives de cette époque pour nous souvenir que l’Allemagne n’a finalement été admise à l’ONU que le 18 septembre 1973, il y a juste quarante ans. Et elle ne l’a été que sous la forme des deux Etats cohabitant alors, la RFA et la RDA. Angela Merkel avait dix-neuf ans. Elle était citoyenne de la RDA, communément appelée Allemagne de l’Est. En un sens, elle l’est toujours restée.
L’artisan de cette politique s’appelait Egon Bahr, éminence grise de Willy Brandt, qui avait inventé le concept de base de cette « Ostpolitik » dès 1963, avant de le négocier avec le ministre soviétique des Affaires étrangères Andrei Gromyko, donnant lieu à une série de traités relatifs aux deux Allemagne (1970-2) avant d’être étendu à l’Europe entière à la faveur de l’acte d’Helsinki sur la sécurité et la coopération en Europe (1975).
L’idée pour Brandt était de concilier la démarche de la construction européenne à l’Ouest et la réunification de l’Allemagne à l’Est. Diverses formules avaient été imaginées, jusqu’à la sortie des alliances militaires et la « neutralité » de l’Allemagne, éventuellement au sein d’un système d’Etats neutres européens.
De la neutralité comme condition de l’unification, option déjà avancée au lendemain de la seconde guerre mondiale, avant la guerre froide, il n’est pas exclu qu’on en vienne aujourd’hui à la neutralité comme conséquence de l’unification. Encore faudrait-il définir en termes actuels ce que serait cette « neutralité » qui n’est plus comme au temps de la guerre froide, une sorte d’équidistance entre deux blocs ennemis, subordonnée à leur affrontement. La réflexion doit être d’emblée européenne tant les histoires politiques des diverses nations sont diverses à cet égard. Elle doit également être bipartisane. La grande coalition qui devrait émerger des élections allemandes du 22 septembre pourrait à nouveau, comme dans les années soixante, être un laboratoire d’idées. Le retour d’expérience sur quelques intuitions gaulliennes mais aussi socialistes à la française ne serait pas inutile.