Que dit ce projet de loi de notre société ?
Père Maroun Badr : On est vraiment dans la logique de l’utilitarisme pur. On permet tout pourvu qu’il y ait profit. Toutefois, on affronte plusieurs problèmes éthiques : le manque de discernement entre le bien et le mal, et également une vision matérialiste qui réduit l’homme seulement à son corps. Le corps est traité comme un assemblage et un fournisseur d’organes dépourvu de toute âme spirituelle. La dignité est réduite à l’utilité et aux apparences, alors qu’elle est inhérente à l’être humain. Sans compter la classification des personnes selon des catégories fonctionnelles-utilitaristes, etc. Bref, on déshumanise l’humanité !
Les sénateurs se sont opposés aux manipulations d’embryons dits « chimériques ». De quoi parle-t-on ? Et est-ce important pour la recherche fondamentale ?
Il s’agit d’obtenir artificiellement des organismes provenant de deux ou plusieurs espèces différentes, donc des origines génétiques différentes, en mélangeant des cellules au stade embryonnaire.
Dans le cas des êtres humains, il existe deux catégories d’embryons chimériques : l’embryon chimère homme-animal, provenant de l’injection dans un embryon humain des cellules souches animales ; et puis en sens inverse, l’embryon chimère animal-homme provenant de l’insertion dans un embryon animal des cellules souches embryonnaires humaines (CSEh), ou de cellules pluripotentes induites (iPS) – des cellules prélevées chez un adulte et capables de se reprogrammer génétiquement en tout type d’organe.
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Franchit-on ainsi l’interdit de la barrière des espèces clairement établi dans le livre de la Genèse ?
Franchit-on ainsi l’interdit de la barrière des espèces clairement établi dans le livre de la Genèse ?
Parler d’un interdit, c’est parler d’une loi. Or, avant de parler de la loi positive, c’est-à-dire législative, il faut parler de la loi naturelle en son double sens : à savoir les lois de la nature et la loi morale. La création des embryons chimériques transgresse ces deux lois de deux façons. D’une part, on passe de la technique (du grec technè), en tant que mode de collaboration avec la nature à la technique moderne, conçu comme une provocation à l’égard de cette même nature en créant une nouvelle espèce.
Le pape François d’ailleurs l’a rappelé dans son encyclique Laudato sí quand il a affirmé que la technique peut aussi avoir « une emprise impressionnante sur l’ensemble de l’humanité » (n. 104).
D’autre part, on démolit la frontière naturelle qui existe entre l’homme et l’animal. […]