Maurice Barrès aimait beaucoup l’expression qu’il avait retenue de saint Thomas d’Aquin dans son hymne Lauda Sion : « In hymnis et canticis. » Pour l’écrivain, les hymnes et les cantiques chrétiens appris et retenus depuis l’enfance façonnaient la sensibilité profonde. C’était sans doute à l’encontre d’un certain rationalisme issu des Lumières et peut-être en accord avec un certain dédain d’une nature purement raisonnable. Mais on doit surtout se référer à la notion de « cœur intelligent ». N’est-ce pas le roi Salomon, rappelait Alain Finkielkraut, qui suppliait l’éternel de lui accorder ce cœur intelligent ?
Sensibilité populaire
Les hymnes et les cantiques sont particulièrement accordés à cette sensibilité : loin de nous abstraire des réalités les plus vitales, ils nous mettent en résonance avec elles, sollicitant les ressources de notre imagination poétique. Ainsi en va-t-il de Noël, de ses cantiques, de l’image de la crèche si redoutée par les tenants d’un laïcisme intégriste.
Mais le paradoxe typiquement chrétien de la Nativité du Christ veut qu’à la sensibilité populaire ne s’oppose pas mais s’accorde la plus exigeante des élaborations doctrinales. Les premiers siècles du christianisme, notamment à l’occasion des conciles (Nicée, Éphèse, Chalcédoine…) ont réfléchi, de façon souvent conflictuelle, à l’Incarnation du Fils de Dieu. Un mystère déconcertant aux yeux des païens, mais aussi susceptible des plus grands efforts d’élucidation des meilleurs esprits, nos Pères de l’Église. Comment envisager que le Fils de Dieu ait fait sienne notre humanité en prenant une âme et un corps d’homme ? L’affirmation est présente dès le prologue de l’Évangile selon saint Jean : « Le Verbe s’est fait chair. » S’agissait-il de l’un de ces mystères dont Pascal disait qu’il était inconcevable à l’homme, mais que sans lui l’homme est lui-même inconcevable ? En effet, c’est tout le christianisme qui est en cause dans la venue du Christ né de la Vierge Marie. Et rien ne sollicite plus l’intelligence chrétienne, l’investigation dogmatique que cette union des deux natures, divine et humaine, dans la personne du Christ.
Laxisme théologique
Récemment le Pape s’est rendu à Nicée, au lieu même où fut proclamé que le Christ est consubstantiel au Père, c’est-à-dire de la substance du Père. C’est l’honneur de ce journal, la France Catholique, en la personne de ce grand penseur qu’était Étienne Gilson, d’avoir protesté contre une mauvaise traduction dans la liturgie.
Non, il n’était pas « de même nature » que le Père mais « de la nature même » du Père. Récemment, l’erreur a été heureusement corrigée. Elle était, hélas, solidaire d’un certain laxisme théologique lors d’une crise dont Gilson et le Père de Lubac pensaient qu’elle conduisait à l’apostasie.
Comment, sans le retour à l’orthodoxie, aurions-nous pu recevoir et comprendre le pèlerinage de Léon XIV à Nicée ?
