Posez vos armes, Monsieur le Ministre et cessez la chasse à l’homophobe.
Quand vous croirez avoir vaincu l’homophobie, il vous restera encore à éditer des plaquettes contre le racisme anti-beur, anti-roux, anti-obèse, anti-noir, anti-métisse, anti-banlieue, anti-pauvre, anti-aristo, anti-bobo, peut-être même daignerez-vous parapher un document contre le racisme anti-catho. On a bien le droit de rêver…
Et quand vous vous imaginerez avoir terrassé toutes ces formes de haine, il vous faudra tout recommencer parce que vous n’aurez rien fait : vous n’aurez pas attaqué le mal à la racine.
Je scrute rapidement le Net : Matteo se pend à cause de moqueries concernant sa couleur de cheveux, un autre en raison du divorce de ses parents, un autre encore à cause des tensions familiales, un autre à cause d’un échec scolaire, Amanda s’arrache la vie pour avoir été victime de cyber-harcèlement…. et la litanie meurtrière continue… William se suicide ne supportant pas de redoubler son année, une autre met fin à ses jours après un viol collectif…
Alors, pourquoi cette cristallisation sur l’homophobie quand c’est le sol tout entier qui s’effondre sous les pieds de nos ados. Quand on prône le relativisme, quand on leur confisque le Ciel, qu’on les désenchante en leur parlant de sexe à l’âge où ils rêvent encore de chevaliers et de princesses, quand on lobotomise leurs jeunes intelligences à coup de feuilletons insipides, quand on leur demande de s’adapter à des familles sans cesse recomposées, quand on leur enseigne qu’il n’y a pas de vérité, seulement des opinions, , quand on leur dit que deux père ou trois mères, tout ça, c’est du pareil au même, quand on réclame d’eux des performances scolaires sans leur donner la confiance nécessaire pour cela, quand on se tait sur leurs qualités et leurs dons et qu’on oublie de leur dire qu’ils sont beaux, quand on éteint la ferveur qui, à cet âge, vous ferait franchir l’Everest, alors, il ne faut pas s’étonner des abîmes de désespoir dans lesquels ils se laissent glisser en silence… ou dans la violence.
Et si au lieu de leur parler d’homophobie, vous fondiez en eux la confiance, une indéfectible confiance en leurs talents ? Si au lieu de leur éducation, vous vous intéressiez à leur ascension ? Si vous leur donniez de la beauté à foison et jetiez en eux l’encouragement à pleine brassée1, si votre enthousiasme éveillait en eux la fierté d’être ce qu’ils sont ? Si vous leur offriez de hautes valeurs à conquérir ? Si pour lutter contre les moqueries meurtrières, vous leur donniez plutôt que des informations sur l’homophobie, le sens et la noblesse du langage quand il se fait serviteur de la bonté ? Vous verriez alors l’homophobie et toutes les violences verbales s’évanouir d’elle-même.
Approchez… Je vais vous parler d’une école laïque — oui, laïque — , qui plus est, une école de banlieue, celle où j’ai grandi, puis enseigné, et dans laquelle les enfants apprenaient très tôt le redoutable pouvoir de la parole et des mots, et avec lui l’infini respect de l’autre et de la différence.
Aucune parole blessante, quelle qu’elle soit, même la plus banale, n’était tolérée. Les enseignants y étaient protecteurs de la parole et du verbe, celui que chante Victor Hugo : « Car le mot qu’on le sache est un être vivant. Tout puissant est le mot, fou qui s’en joue ! » Les mots vulgaires, s’ils s’échappaient des lèvres pendant les récréations, ne franchissaient jamais le sanctuaire de la classe. Et s’il arrivait qu’un enfant « traite » un camarade de quoi que ce soit, il lui était demandé de prendre un temps, seul, non pas dans l’humiliation d’un coin de classe, mais dans le bureau de la directrice qui, silencieuse à ses côtés, laissait l’enfant réfléchir longuement à la gravité des conséquences que pouvait avoir des paroles insultantes ou méprisantes. La sanction : demeurer un long moment en solitude, face à sa conscience, et apprendre progressivement mais sans concession, auprès de l’adulte, à harmoniser paroles et comportements à la voix de cette conscience neuve.
Cette guerre là était salvatrice !
En même temps que l’éradication des propos violents et blessants, les enfants apprenaient à manier les raffinements de langue française, déployant leur pensée en même temps que leur vocabulaire.
Les grands auteurs forgeaient leur intelligence. Familiers dès le primaire de Genevoix, Tolstoï, Hugo, ils l’étaient aussi des grands compositeurs classiques ainsi que des grands peintres. Ils plongeaient dans la correspondance de Van Gogh en écoutant du Brahms…
Seule la beauté avait droit d’approcher de leur âme…
A force de familiarité avec cette beauté, la violence verbale finissaient par devenir étrangère tant à leur cœur qu’à leurs lèvres. Beaucoup sont arrivés fracassés par des parcours scolaires chaotiques, tous sont repartis confiants dans leurs dons et dans leur avenir.
Il est vain d’enseigner les préceptes d’une citoyenneté abstraite à des enfants qui ont en permanence l’insulte aux lèvres. La question de la langue ne peut être uniquement considérée sous l’angle du folklore, parce que la violence verbale s’est répandue dans les collèges où, selon Barbara Lefebvre, auteur de l’article « Des barbarismes à la barbarie » dans Le Monde du 8 mars 2006, « se forgent ces langages meurtriers, cette barbarie verbale du quotidien qui conduit certains — et pas les plus fragiles, au contraire — au passage à l’acte ». La maîtrise d’une langue française correcte sinon soutenue est un élément déterminant pour qui veut trouver sa place légitime dans la vie sociale et professionnelle de notre pays. (…)
De nombreux experts, au nombre desquels figurent davantage de sociologues, de psychologues, de linguistes en quête d’autopromotion que de gens de métier, ont littéralement naufragé depuis trente ans l’enseignement élémentaire. (…) S’il s’agissait de médecine ou de mathématiques, un scandale aurait éclaté depuis longtemps, mais il ne s’agit que de langue et de littérature. (..) Une des missions majeures de la littérature : aider les adolescents à se constituer en hommes. (..) Il est à craindre que les réformateurs, voulant en finir avec la tradition, n’aient dépouillé les études littéraires de l’essentiel de leur valeur formatrice.(..)
Et Dieu, l’histoire, la justice, l’amour, la liberté, le progrès, le Beau, la mort, bref, le sens de la vie dans tout cela ? (…)
On conviendra qu’il est préférable d’appeler les élèves à réfléchir avec Montesquieu sur la vertu ou avec Voltaire sur la tolérance, que de leur vendre des T-shirts prônant le respect d’autrui.2»
Nous ne voulons pas pour nos enfants, d’enseignants vendeurs de T-shirt. Nous ne voulons pas davantage de lobbies LGBT pour approcher de leur conscience.
Nous voulons des jardiniers d’âmes, qui émondent sans concession les mots acerbes et enracinent dans les jeunes vies, avec l’infini respect de la parole, l’infini respect d’autrui.
« Au commencement était le Verbe… »
M.C.
Pour aller plus loin :
- Un site canadien avait inventé le « mur des encouragements » : parents, enseignants, amis, étaient invités à écrire des petits mots sur le site, à destination des élèves, mentionnant tout ce qu’ils trouvaient de beau en eux, toutes leurs qualités.
- Michel Leroux, De l’élève à l’apprenant et autres pamphlets – La destruction programmée de l’enseignement des Lettres, éd. de Fallois, 2007.