Ce 10 juin au matin, Quentin G., 14 ans, élève en classe de 3e, se présente devant son établissement, situé dans une commune sans histoire de 4 000 habitants. Alors qu’une fouille est organisée, il sort un couteau de cuisine et assène 7 coups fatals à Mélanie Grapinet, assistante d’éducation, âgée de 31 ans et mère d’un enfant. Le mobile de l’adolescent ? Se venger du personnel administratif après avoir été l’objet d’une remarque, le vendredi précédent, alors qu’il embrassait sa petite amie.
Les premières expertises psychiatriques n’ont pas permis d’identifier de pathologies significatives, sinon – selon le procureur de Chaumont – une « absence de compassion » chez ce garçon « fasciné par la violence ». Placé en détention provisoire, il risque une peine de 20 ans de prison.
« Société permissive »
Cet abominable épisode révèle-t-il quelque chose des dérives de l’époque, ou doit-il être classé – sans que cela n’en atténue l’horreur – parmi les « faits divers » ? La réponse du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, est très claire : « Il faut avoir le courage de nommer les choses. Ce qui s’est passé à Nogent n’est pas un fait divers. C’est un fait de société. […] C’est un symptôme. Depuis des années, je dénonce les ravages de cette société permissive que les beaux esprits progressistes nous avaient vendue comme un progrès. Elle devait libérer. Elle a enfanté des barbares. Ce que nous payons aujourd’hui, c’est la facture de Mai 68. On nous avait promis la plage sous les pavés. Mais c’est la rage qui est remontée. Une rage qui surgit dans le vide laissé par les déconstructeurs : plus d’interdits, plus de respect, plus d’autorité, plus de repères », a-t-il expliqué dans Le Journal du Dimanche (15/06).
À ce stade, sans doute faut-il conserver un certain recul. L’histoire criminelle est ponctuée de récits glaçants dans lesquels les tueurs sont des mineurs, parfois très jeunes. « Entre 1825 et 1914, vingt-six cas de meurtres et tentatives de meurtre commis par des individus de 14 ans et moins sont recensés dans les tables de La Gazette des Tribunaux » a ainsi établi le chercheur Thomas Fadlallah, auteur d’un mémoire sur Les Crimes enfantins dans la France du XIXe siècle, dans un article hébergé en 2014 sur le site spécialisé CriminoCorpus.
Anthropologie réaliste
Une chose est sûre : il ne suffira pas d’interdire la vente de couteaux aux mineurs, ni d’installer des portiques à l’entrée de chaque établissement, pour prévenir de tels actes. Le mal rôde, y compris chez les plus jeunes : triste réalité que l’époque est incapable d’admettre, considérant naïvement que l’enfance est « l’âge de l’innocence ». Que les temps présents, marqués par la disparition des figures d’autorité – certes en particulier depuis Mai 1968 – et l’omniprésence de la violence dans la rue, les médias et les loisirs, aient pu conduire à l’horreur de Nogent, est une hypothèse plausible, mais non suffisante. Toute solution pérenne ne pourra que s’appuyer sur une anthropologie réaliste – renvoyant pour les croyants au péché originel – qu’il serait plus confortable d’étouffer.