M. Hebbadj, mari de l’automobiliste voilée, et verbalisée pour cela, est-il polygame ? Est-ce interdit par les lois françaises ? Et, si oui, cela mérite-t-il la déchéance de la nationalité française qu’il a acquise par mariage avec ladite automobiliste ?
« Brice Hortefeux a eu raison de mettre les pieds dans le plat », a jugé Jean-François Copé, patron des députés de l’UMP. Il fallait répondre à cette péronnelle qui, en présence de son mari, avait eu le front d’organiser, le 23 avril, une conférence de presse pour défendre son « bon droit ». Le ministre de l’Identité nationale, Éric Besson, à qui son collègue de l’Intérieur a bien vite repassé la patate chaude, paraît moins convaincu de l’intérêt de la chose et il fait profil bas. C’est un genre d’affaires qui se retourne en effet facilement contre ceux qui pensent en tirer un bénéfice politique.
Pourtant, si le boucher musulman de Rézé (Loire-Atlantique) est innocent de ce dont le ministre de l’Intérieur l’a accusé, sur la foi d’un rapport de police, il est certain qu’il y a beaucoup d’autres personnes en France qui correspondent à cette description. Beaucoup d’autres femmes qui touchent des allocations de parent isolé, alors que leur concubin vit maritalement avec elles (et d’ailleurs d’autant plus facilement que la mère touche ces fameuses allocations, ce qui fait que l’allocation de « parent isolé » permet paradoxalement à des couples de tenir, du moins tant qu’elle est versée…). Et beaucoup de musulmans qui vivent tout aussi maritalement avec plusieurs femmes en vertu de mariages multiples scellés par des imams. Cela ne date pas d’hier. Je ne parle pas de la Bible ou du Coran : je me souviens avoir été voisin d’une famille d’origine algérienne dans ce cas, à Paris, dans les années 1970. Plus de dix femmes et filles dans un studio de la même taille que celui où j’habitais seul… Et puis il n’y a qu’à en parler à nos compatriotes mahorais à qui on a confirmé la nationalité française en leur faisant plus ou moins promettre qu’ils abandonneront la polygamie sur leur île française. Il y a beaucoup de tricheries aux allocations familiales qui sont possibles, de nombreux cas de familles plutôt litigieux et qui souvent n’ont rien à voir avec la religion : des familles fictives, voire véritablement incestueuses, où les services sociaux, assez bien renseignés, évitent d’agir trop brusquement… pour ne pas aggraver des situations explosives. On l’apprend de temps à autre, quand on fréquente de près des professionnels de l’aide-sociale, ou parfois dans la presse lors d’un fait divers, ou dans une œuvre de fiction « inspirée de la réalité ». Évidemment, les personnes concernées ne font pas toujours une conférence de presse par militantisme.
Mais, en l’occurrence, le procureur de la République de Nantes, dit n’avoir été saisi d’aucune plainte de la part de la caisse d’allocations familiales concernant d’éventuels soupçons de fraude. L’avocat de M. Hebbadj insiste : son client n’a contracté qu’un seul mariage civil. S’il y a autres mariages, ils ne seraient que des mariages religieux… qui ne regarderaient donc en rien la République. Quand bien même son client aurait plusieurs « maîtresses », l’adultère n’étant plus sanctionné pénalement en France, cela ne saurait en aucun cas justifier une remise en cause de la nationalité d’un homme. Et chacun y ajoute son commentaire juridique censé ridiculiser cet innocent, ce boutefeu d’Hortefeux.
Holà ! Parlons d’autre chose donc. J’ai entendu parler moi, de jeunes chrétiens français (toutes les religions ont leurs fanatiques et même toutes les religions sont fanatiques n’est-ce pas ?) qui auraient fait des pieds et des mains pour se marier à l’étranger devant un prêtre catholique non français parce qu’ils refusaient la cérémonie « bidon » à la mairie qu’ils considéraient comme la singerie d’un sacrement. Il doit s’agir de chrétiens très excessifs sans doute, que leur haute idée du mariage pousse à se rebeller face à une République qui ne donne plus aucune respectabilité particulière aux couples mariés et même les désavantage désormais d’un point de vue fiscal (Un doute m’étreint : cela aurait-il pu jouer dans leur refus d’un mariage en mairie ?… ce serait plus raisonnable mais bien triste)… Toujours est-il qu’on leur a expliqué, à ces plus ou moins jeunes gens, qu’aucun prêtre catholique en France ne pouvait les unir religieusement s’ils ne présentaient pas un certificat de mariage dûment célébré en mairie ! On leur a dit qu’un curé français qui contreviendrait à cette interdiction risquerait gros ! (Que risque-t-il au fait, depuis que la République ne salarie plus aucun culte, sauf dans les départements concordataires ?).
Revenons à notre affaire de polygamie musulmane non sanctionnable en France : les imams pourraient célébrer, eux, des mariages sur lesquels la République n’aurait pas son mot à dire ? Bon, les musulmans et les imams, qu’ils se débrouillent avec leur mariage et la République. Mais nous, les chrétiens, et vous les curés, c’est le moment de réclamer une liberté qui vous a été volée pour rien, juste pour le plaisir de vous humilier, du temps où la République laïque affectait de croire et de dire que la morale de Jules Ferry était au fond la même que celle du Pape… Ce qui permettait d’ailleurs à l’école laïque de faire des leçons de morale décalquée du catéchisme. Heureux temps !
Si les imams ont ce droit, réclamons nous aussi, au nom de l’égalité (pardon : de la non-discrimination !), le droit au mariage religieux, sans passer par la mairie et cela au moins tant que la République ne reconnaîtra pas à nouveau le caractère sacré (même d’un sacré républicain) du mariage.
Ou alors, que la République se ressaisisse et se rappelle qu’en honorant les familles, en faisant en sorte que l’homme et la femme mariés redeviennent le modèle social reconnu par les lois, elle se donnerait des chances de se survivre à elle-même, ou bien, pour abandonner les grands mots, de régler quelques questions pendantes (comme par exemple celle des retraites dont, paraît-il, l’affaire de Rézé n’a été inventée que pour nous masquer son importance…)
Et vivent les mariés quand même !
Paul CHASSARD